La présidente argentine Cristina Kirchner a été le premier chef d'État à rencontrer le nouveau pape François, son compatriote, lundi, à la veille de sa messe d'inauguration, pour un entretien et un déjeuner au cours desquels ils ont évité les sujets qui les opposent. Après la rencontre, la dirigeante argentine a raconté à la presse avoir trouvé l'ex-archevêque de Buenos Aires "serein, sûr de lui-même et en paix". "C'est notre pape", a-t-elle dit avec orgueil, "pas parce qu'il est Argentin, mais parce qu'il est le pape de tous ceux qui partagent la foi catholique". Sur les images diffusées par la télévision du Vatican, on les voit échanger sourires et cadeaux et à certains moments, c'est le pape qui fait une bise à la présidente, presque surprise.
Car dans le passé les relations entre la présidente et l'archevêque Jorge Borgoglio n'ont pas toujours été au beau fixe. Le cardinal s'est notamment farouchement opposé au mariage homosexuel, légal en Argentine depuis juillet 2010. "Ne soyons pas naïfs : il ne s'agit pas d'un simple combat politique ; il y a une finalité destructrice du plan de Dieu", avait dit l'archevêque Bergoglio avant le vote du texte. Officiellement le sujet n'a pas été abordé. Signe d'une certaine détente entre les deux dirigeants, la présidente a offert au pape un récipient à maté (thé argentin), fabriqué par une coopérative sociale, et un poncho en laine de vigogne pour "se protéger du froid européen".
Bergoglio, "véritable chef de l'opposition"
Le pontife a répondu aux présents de Kirchner par une rose blanche symbole de sainte Thérèse, sa sainte préférée, "un cadeau intime", selon la présidente, et les conclusions d'une réunion de 2007 des évêques latino-américains sur la nécessité d'agir "du bas vers le haut". Pas de mention non plus entre eux de l'époque où le mari de la présidente, Nestor Kirchner, décédé en octobre 2010, traitait le cardinal Bergoglio de "véritable chef de l'opposition" avec ses homélies dénonçant le "scandale" de la pauvreté et "le fléau" de la drogue et la délinquance. Le Vatican a très peu communiqué sur cet entretien, se bornant à parler d'une entrevue en "privé" de 15 à 20 minutes suivie d'un repas.
Les deux dirigeants ont été complètement en syntonie sur la lutte contre l'esclavage et le trafic d'êtres humains, selon Kirchner. "Nous avons la responsabilité en tant que chefs d'État de combattre ce phénomène qui touche à la condition humaine, à l'attitude vis-à-vis du prochain", a-t-elle dit. Et la présidente argentine a profité de son audience privée pour demander au pape son "intervention" afin de "parvenir à un dialogue" avec la Grande-Bretagne sur le brûlant dossier des Malouines. Elle a rappelé que Jean-Paul II avait joué les médiateurs entre le Chili et l'Argentine dans le conflit territorial sur le canal de Beagle, ce qui avait permis "d'aboutir à un accord". "Maintenant nous avons une occasion historique très différente, bien plus favorable", a souligné Kirchner, car les deux pays sont des "démocraties" alors qu'à l'époque de la guerre des Malouines en 1982, l'Argentine était une dictature (1976-1983). "Ce que nous souhaitons, c'est l'application des multiples résolutions des Nations unies" qui appellent au dialogue bilatéral, a expliqué la présidente argentine.
Les Malouines sous contrôle britannique
Depuis l'élection de Jorge Bergoglio mercredi à la tête de l'Église catholique, la presse britannique a ressorti des déclarations qu'il avait faites en 2011 en évoquant les Malouines comme "nos" îles. Les habitants de ces îles, appelées Falklands par les Britanniques, viennent de voter à une majorité écrasante de 99,8 % pour rester un territoire britannique d'outre-mer, lors d'un référendum d'autodétermination non reconnu par l'Argentine.
Situées à 400 km des côtes argentines et à 12 700 km de Londres, les Malouines sont sous contrôle britannique depuis 1833 mais continuent d'être revendiquées par l'Argentine, plus de trente ans après la guerre qui les a opposés pendant 74 jours, faisant 900 morts. La découverte de gisements de pétrole à la fin des années 1990 n'a fait qu'aiguiser l'intérêt pour cet archipel battu par les vents, peuplé de plus de 2 500 habitants et de près de 500 000 moutons.
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