Foire populaire par excellence, arteBA accueille chaque année à Buenos Aires plus de 100.000 visiteurs, venus découvrir le meilleur de la création latino-américaine. Organisée par une fondation à but non lucratif, arteBA vise à développer un réseau de collectionneurs en Argentine, tout en proposant à un large public une grande sélection d’art moderne et contemporain local. Alors que la manifestation ouvre ses portes du 23 au 26 mai, Art Media Agency s’est entretenu avec son directeur, Alec Oxenford.
Quel est votre parcours ? Comment avez-vous commencé à travailler dans l’art ?
J’ai commencé dans le business et le management. J’ai étudié en Argentine et aux États-Unis, où je me suis tourné principalement vers les entreprises en ligne. La première fois que je me suis impliqué dans l’art, c’était en tant qu’« ami » d’un musée, la Malba-Fundación Constantini. Puis j’ai commencé à acquérir de l’art contemporain. Je me suis de plus en plus intéressé à l’art, et cela a pris une place grandissante dans ma vie. Aujourd’hui j’ai une collection contemporaine d’art argentin de plus de 150 pièces, de la peinture, des installations, des dessins et de la vidéo. Cette collection est principalement composée d’œuvres produites après l’an 2000. Je veux faire quelque chose de particulier, et cela ne passe pas uniquement par le business, il doit y avoir une valeur ajoutée, et c’est positif pour le président d’arteBA d’être impliqué dans le monde de l’art, d’être un acteur du marché de l’art et de montrer la voie aux collectionneurs plus jeunes. Je pense que collectionner stimule la curiosité et fait de la personne qui poursuit cette passion une sorte de « messager agité » pour le marché de l’art.
Quand la foire a-t-elle vu le jour ? Comment est-elle née ? Quelles ont été les difficultés que vous avez affrontées ?
La première édition d’arteBA a été organisée en 1991, avec pour slogan : « Help contemporary Argentine art achieve a place in the market so that artists can live off of their work » (aidez l’art contemporain argentin a croître afin que les artistes argentins puissent vivre de leur travail). Cela fait désormais 23 ans, et notre travail et notre détermination ont permis à la foire de grandir. Aujourd’hui, arteBA est l’une des plus importantes des foires de la région dédiées à l’art contemporain. Nous avons des objectifs clairs à long terme et nous continuons d’avoir pour but de faire d’arteBA un rendez-vous plus international et obligatoire pour les meilleurs galeristes, collectionneurs et conservateurs argentins et du monde entier.
Désormais vu comme un évènement majeur à Buenos Aires, arteBA est organisée en mai à La Rural, dans le quartier de Palermo. En moyenne, la foire attire 100.000 visiteurs chaque année. Notre objectif principal est de continuer à renforcer notre identité en ajoutant de nouvelles sections curatées et en améliorant la qualité de ce qui est exposé. L’extension de nos programmes à l’étranger est également une priorité pour nous. Nous voulons susciter l’intérêt du public mondial pour arteBA et pour l’art argentin et latino-américain. Il est également fondamental de continuer à organiser des conférences, des séminaires et des événements afin de diffuser l’art contemporain, de renforcer le marché, de promouvoir le dialogue entre les galeries, et d’attirer des soutiens privés.
Une foire est-elle la structure idéale pour présenter de l’art ?
Nous avons travaillé et travaillons encore afin de proposer un cadre parfait chaque année. Pour la 23e édition d’arteBA, nous comptons sur des équipes de conservation et des comités de sélection afin de s’assurer qu’elle répond à certaines normes. Pour répondre à votre question, je crois que c’est une structure idéale parce que le meilleur de l’art contemporain est condensé en un seul endroit.
Cette année, il y a de nouvelles sections comme« Cabinet LAN », un espace dans la section principale où les galeries montrent des œuvres importantes par un seul artiste. La sélection est faite par un comité consultatif composé de Sonia Becce, Victoria Noorthoorn, et José Roca.
Dixit PETROBRAS est une autre nouveauté, où nous invitons un commissaire à organiser une exposition sur la base d’une hypothèse originale sur l’art contemporain. Pour sa première édition, l’écrivain, chercheur et critique Andrea Giunta présentera « Quand est-ce que l’Art contemporain commence ? »
Photobooth CITI sera un autre espace inauguré cette année, où un commissaire invitera des galeries à présenter des photographies d’artistes. Cette année, Octavio Zaya, un conservateur et éditeur originaire des îles Canaries et vivant aux États-Unis depuis 1978, sera en charge du projet.
Nous avons également continué à développer les sections existantes. Pour sa quatrième édition, U -Turn Projet Rooms par Mercedes-Benz est organisée en collaboration avec Agustín Pérez Rubio (historien, critique d’art et commissaire d’exposition indépendant), qui a invité des galeries du monde entier à présenter un projet spécifique, en sélectionnant les pièces qui seront exposées. Le solo show « Arcos Dorados » de peinture latino-américaine est organisé par José Roca (Estrellita Brodsky B. conservateur adjoint de l’art latino-américain à la Tate Gallery à Londres et directeur artistique de FLORA arts + natura). Il a invité six artistes qui seront en compétition pour un prix de 15.000 $. Enfin, l’aspect éditorial d’arteBA est représenté par Isla de Ediciones Fundación PROA. Pour cette section, organisée pour la seconde année, une équipe de conservateurs (composée de Lucrecia Palacios et Facundo de Falco) invite la presse indépendante et des maisons d’édition à proposer des ouvrages. De plus, nous ouvrons une nouvelle salle dans cette section avec une programmation différente de celle d’OPEN FORUM, notre auditorium historique, où vous trouverez des intervenants importants et où l’entrée est gratuite.
Comment la foire est-elle financée ? Est-ce que le financement ou la rentabilité sont une préoccupation majeure pour vous ?
arteBA est une organisation sans but lucratif. Nous sommes soutenus financièrement par nos sponsors ce qui permet de faire fonctionner la fondation tout au long de l’année. Nous travaillons afin de maintenir la qualité de la foire et permettre aux galeries de vendre.
Outre notre équipe, nous possédons un comité consultatif, un bureau administratif et un jeune comité qui travaillent ad-honorem et sont totalement impliqués dans arteBA.
arteBA est-elle une foire de collectionneurs ? Ou votre objectif premier est de présenter le travail des artistes de la région ? Pensez-vous qu’une foire peut remplir ces deux rôles ?
Les artistes et les collectionneurs sont des acteurs fondamentaux de la scène artistique. L’un des objectifs principaux de la foire et d’attirer des collectionneurs, jeunes et plus expérimentés. Par ailleurs, nous voulons apporter de la notoriété aux artistes de la région. Ce qui différencie arteBA des autres foires est qu’il s’agit d’un événement culturel sans comparaison à Buenos Aires. Nous nous préparons à répondre aux attentes des collectionneurs, mais sans ignorer celles du grand public.
L’événement est unique dans le sens où il réserve un espace pour les musées, institutions et fondations. Pourquoi avez-vous fait ce choix, et dans quelle mesure cette section est-elle différente de l’espace dédié aux galeries privées ?
Les musées et fondations, ainsi que les galeries privées, jouent un rôle important sur la scène artistique. L’espace accordé aux musées et fondations leur permet de communiquer sur leurs actions. Leur rôle est tout aussi important que celui des entreprises privées. Leurs actions portent souvent sur des actions spécifiques, comme l’hommage rendu cette année à l’artiste argentin Luis Felipe Noé par Madero Port.
Comment sélectionnez-vous les galeries participantes ? Y a-t-il des critères prédéfinis ?
De manière à préserver la qualité et le professionnalisme de la foire, les galeries établies et émergentes sont choisies par un comité de sélection indépendant supervisé par l’arteBA Fundación où des curateurs sont invités chaque année.
Cette année, la section principale présente des galeries établies sélectionnées par Sonia Becce (commissaire indépendante), Eduardo Brandão (de la galerie Vermelho, São Paulo, Brésil) et Orly Benzacar (de Ruth Galerie Benzacar, Buenos Aires, Argentine). D’autre part, Barrio Joven Chandon, notre section jeune et non-traditionnelle axée sur l’art latino-américain, a également eu son propre comité de sélection qui comprenait Akio Aoki (Vermelho, São Paulo, Brésil), Mariano Mayer (poète, critique d’art et commissaire d’exposition indépendant basé à Madrid, Espagne) et Marina Reyes Franco (commissaire indépendant et directeur de La Ene). En plus de ces espaces pour lesquels les galeries postulent, dans les autres sections de la foire, ce sont des conservateurs qui invitent les galeries à participer comme je l’ai évoqué précédemment.
Comment se porte actuellement le marché de l’art en Argentine ?
Lorsque l’on compare au reste du monde, et en particulier à l’Europe et aux États-Unis, le marché de l’art argentin est encore naissant, mais bénéficie d’une forte croissance. Au cours des dernières années, il y a eu un boom de l’art latino-américain au niveau mondial et nous en profitons. Venir à arteBA représente une occasion unique pour les collectionneurs : la qualité des œuvres exposées est importante et la gamme de prix est généralement plus faible que dans d’autres endroits.
Les deux sections Dixit et Solo cherchent à présenter le travail d’artistes Latino-Américains. Pensez-vous que ces derniers sont sous-représentés ? Quels sont les artistes d’Amérique latine les plus intéressants en ce moment?
En tant que foire d’art contemporain qui a lieu en Amérique latine et en considérant que les artistes latino-américains ont parfois du mal à percer sur les marchés européens et nord-américains, nous voulons mettre en valeur nos talents régionaux grâce à ces sections.
Il est difficile de parler d’un artiste en particulier, mais si je devais citer quelques jeunes Argentins qui ont été bien reçus à l’étranger, je penserais à Tomás Saraceno, Amalia Pica, Matías Duville, et Adrián Villar Rojas, entre autres.
Il existe actuellement de nombreuses foires d’art à travers le monde, avez-vous pris cela en compte lors de la création d’arteBA ? Craignez-vous que le marché puisse devenir saturé ?
Notre foire est dépendante du travail acharné et du dévouement d’une organisation à but non lucratif qui, depuis sa création il y a plus de vingt-trois ans, n’a jamais perdu de vue ses objectifs à long terme. Nous estimons que la qualité du service que nous offrons aux galeristes, conservateurs et invités VIP est supérieure à ce qui se fait ailleurs.
La foire dure uniquement quatre jours. Quelles sont vos activités le reste de l’année ? arteBA sommeille-t-elle ou avez-vous d’autres activités ?
Bien qu’arteBA semble en sommeil pour le grand public lors des mois suivants le salon, nous avons développé différents projets pour combler le vide. Cet été, précisément, nous avons étendu notre cycle de conférences et avons un événement spécial à Punta del Este, en Uruguay, avec la participation de la journaliste Alicia de Arteaga qui s’entretient avec le collectionneur Eduardo Constantini, et le conservateur Agustín Pérez Rubio qui discute avec l’artiste argentin de renom, Liliana Porter. Nous organisons également toutes sortes de conférences pour les galeristes, permettant d’attirer des collectionneurs dans notre pays.