Le Gauchito Gil, le Saint du peuple argentin !

Autels au bord des routes, plaques de remerciements pour la guérison d’un proche ou l’obtention d’un emploi, tatouages à son effigie : le Gauchito Gil fait l'objet d'une foi extraordinaire en Argentine, où les démonstrations d'amour et de gratitude sont légion. Le 8 janvier dernier, 250 000 personnes de tout le pays se sont données rendez-vous à Mercedes, dans la province de Corrientes, pour commémorer la mort du saint le plus populaire du pays. Un saint à l’image des gardiens de bétail de la pampa argentine.

Un autel du Gauchito Gil sur la route près du sanctuaire. Photo: Celeste Gómez Foschi.

«Tous les ans, de nouvelles personnes viennent à Mercedes pour remercier le Gaucho pour ses miracles. Il y a des gens qui n’y croient pas, mais nous, on voit bien que c’est vrai ! », explique Ruperto Alegre, dévot depuis des années. «Regardez, il y a des gens qui viennent de partout, de tout le pays, et ça, c'est du concret, du tangible ! Les gens sollicitent de l’aide et le gaucho leur donne satisfaction.»

Avec l’élection du Pape François (en mars dernier), l’Argentine s’est vue projetée sur le devant de la scène catholique planétaire. Un état de faits vécu comme un honneur sur un continent où la ferveur religieuse reste très forte. Toutefois, si l’Eglise garde un rôle central pour le culte, les pratiques populaires officieuses sont de plus en plus présentes en Argentine. La Défunte Correa, Ceferino Namuncurá, Sainte Mort, ou encore la chanteuse de cumbia Gilda sont des icônes qui constituent un repère, un refuge spirituels dans les milieux populaires, où l'on voue une dévotion absolue à ces femmes et ces hommes ordinaires ayant acquis leur auréole de sainteté à la suite d'une mort violente ou d'une vie faite de sacrifices. Parmi ces figures, le Gauchito Gil, personnage à qui la tradition orale attribue de nombreux miracles, est devenu un véritable symbole de la culture et de l’identité argentine.

La figure du Gauchito Gil. Photo: Celeste Gómez Foschi.

Que sait-on vraiment du Gauchito ?
Il n’existe aucune certitude sur l’histoire du Gauchito Gil, également connu sous le nom de Antonio Mamerto Gil Núñez, et les versions des faits sont variées. La plus connue raconte qu’en 1870, à Mercedes, Corrientes, Antonio Gil, voleur de bétail avec des airs de Robin des Bois, fut recruté pour combattre dans le conflit qui opposa (de 1865 à 70) le Brésil, l’Argentine et l’Uruguay au Paraguay - la guerre de la Triple Alliance.
A la suite d'un rêve dans lequel Dieu lui ordonnait de ne pas verser le sang de ses frères, ce voleur de bétail décidait de déserter. Pourchassé par la police, il serait rapidement capturé et pendu par les pieds à un arbre. Son bourreau, un certain Salazar, s’apprêtait à l’exécuter lorsque le Gauchito Gil l'avertit : «Quand tu rentreras chez toi, tu trouveras ton fils malade, mais je le soignerai». Lorsque Salazar arriva chez lui, son fils était effectivement malade. Désespéré, il retourna là où il avait exécuté Antonio Gil. Sur place, il l’enterra et mit une croix sur sa tombe. Mais la promesse fut tenue et le fils de Salazar guéri. Ce fut le premier miracle du Gauchito Gil et le début de sa légende.

Une cérémonie de couleur rouge
Bien qu’au début l'Eglise n'ait pas accepté la figure du Gauchito - qui ne remplissait pas toutes les conditions pour être canonisé, le phénomène a acquis une telle importance que le jour de sa mort, le clergé de Corrientes organise des messes en son honneur. Son culte a même dépassé les frontières puisqu’il est désormais célébré au Brésil, en Uruguay et au Paraguay. Peut-être parce que, selon les dévots : «le Gauchito tient ses promesses». Peut-être aussi parce qu’il incarne la figure idéale du “gaucho”, si typique dans cette région du monde.

Des pélerins à l'entrée du sanctuaire. « Merci Gauchito Gil. » Photo: Celeste Gómez Foschi.

Tous les 8 janvier, les dévots se retrouvent pour commémorer sa mort. Nous sommes le 7 janvier et nous roulons en direction de l'emblématique sanctuaire Croix Gil, où a été éxécuté le Gauchito Gil il y a environ cent quarante ans, pour participer à cette cérémonie de couleur rouge, la couleur du Gauchito.
A plus de 100 kilomètres du sanctuaire, nous commençons déjà à voir au bord de la route des dévots du saint en chemise bleu ciel, foulard rouge et boleadoras, marchant sous le soleil brûlant de Corrientes avec des drapeaux rouges sur les épaules tels des supporters de football allant au stade soutenir leur équipe. Les voitures qui s'approchent à toute vitesse sont ornées d’images en son honneur et quelques-unes ont un saint suspendu au rétroviseur. Sur la route, les autels du Gauchito sont chaque fois plus nombreux ; pour les chauffeurs, il est coutume de klaxonner deux fois lorsque leur route croise un de ces autels de fortune... Alors que nous approchons du sanctuaire, la route est saturée. Il faut laisser la voiture et continuer à pied.

Le Sanctuaire Croix Gil
Ils sont là, par milliers, qui viennent pour demander protection et renouveler leurs promesses. Certains sont habillés avec les vêtements typiques du gaucho, d’autres arborent l’image du Gauchito sur leurs t-shirts, leurs shorts, ou tatoué sur la peau. Porter quelque chose de rouge est un acte suffisant pour exprimer sa dévotion. Autour du sanctuaire, des stands improvisés où les croyants peuvent acheter des articles religieux variés à l'effigie du Gauchito. Figurines, statues, rubans, drapeaux, verres, t-shirts ou Gauchitos en plastiques qui donnent la météo en changeant de couleur sont en tête des ventes. Bien que le sanctuaire reçoive la plupart des visiteurs durant la semaine du 8 janvier, il fonctionne toute l’année et voit passer un afflux régulier de pélerins.

Dévots du Gauchito Gil. Photo: Celeste Gómez Foschi.

Un dévot habillé avec les vêtements typique du gaucho. Photo: Celeste Gómez Foschi

Photo: Celeste Gómez Foschi.

Des bougies pour le Gauchito
La queue pour pouvoir accéder à la statue du Gauchito sillone sur des centaines de mètres. A l'entrée, une atmosphère mêlant anxiété et excitation. Une fois à l'intérieur, les dévots touchent le saint et lui chuchotent à l’oreille, lui parlent. On peut visiter aussi le musée du Gauchito et voir la réplique de l'arbre où il a été exécuté, l’original s’étant desséché à cause des bougies que les gens dépisaient à sa base.

La réplique de l'arbre où il a été exécuté. « Ne pas allumer des bougies ». Photo: Celeste Gómez Foschi.

Dans le sanctuaire, les prières donnent vie à une musique de mots qui ne se tait jamais. On prie dans l'espoir de pouvoir acquérier une voiture, pour agrandir son magasin, pour avoir un enfant, pour la santé d'un proche, pour résoudre des problèmes, pour retrouver l'amour d'un être aimé... Mais pour Nélida Ferreyra, une dévote du saint, «au gauchito, il ne faut pas demander de trouver l’amour ; pour ça il y a d’autres saints. Le Gauchito donne du pain et du travail !».
Toutes ces demandes peuvent aussi être formulés en passant par des sites Internet, comme Le Gauchito Miraculeux qui recoit les prières des croyants. Elles sont ensuite imprimées et déposées près de l’autel le plus proche.

Photo: Celeste Gómez Foschi.

« Le Gauchito est fâché »
La veille du 8 janvier, le ciel a commencé à s'assombrir, le vent à souffler et quelques gouttes sont tombées. Cette pluie, apparue lentement, a ensuite gonflée, devenant tempête accompagnée d’éclairs.« C'est le Gauchito qui est fâché à cause de tout le commerce qui se fait en son nom !», s'écrie un homme. Les gens cherchent à s’abriter tandis que les tentes prennent l'eau et que le sol se transforme peu à peu en bourbier. A minuit, tous les regards se sont tournés vers le ciel pour voir les feux d'artifice, marquant le début de la fête du gaucho.

Des couples dansent dans la fête du Gauchito Gil. Photo: Celeste Gómez Foschi.

Alors que des centaines de croyants continuent à faire la queue pour entrer au sanctuaire, la musique commence à résonner aux rythmes du Chamamé, un courant du folklore argentin. Des couples dansent entre les tables d'un banquet où l'on servira des grillades, du vin et de la bière. Tout ici est rouge, les foulards, les rubans, les jupes. Rouge comme la foi.

Celeste Gómez Foschi (Monde Académie).

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