« Le Dakar est un rouleau compresseur qui ne vous attend pas »

Publié le mardi 26 janvier 2016 à 03H00

Le navigateur Gilles Valade et le mécanicien Éric Rousseau ont disputé le Dakar aux côtés des deux pilotes du camion Man n° 540 qui n’a pu terminer la course. De retour d’Argentine, les deux hommes reviennent sur leur parcours, entre fierté et amertume.


Nouméa, le 22 janvier. De retour au pays, Gilles Valade (à gauche) et Éric Rousseau présentent leurs meilleurs amis au milieu de la pampa, la carte d’Argentine et de Bolivie et les carnets de route.

Nouméa, le 22 janvier. De retour au pays, Gilles Valade (à gauche) et Éric Rousseau présentent leurs meilleurs amis au milieu de la pampa, la carte d’Argentine et de Bolivie et les carnets de route.

Photo Gilles Caprais

Les Nouvelles calédoniennes :

Au lendemain de votre retour d’Argentine, dans quel état d’esprit êtes-vous ?

Gilles Valade : C’est un drôle de sentiment. On est à la fois heureux d’avoir vécu cette compétition extraordinaire de l’intérieur, fiers d’avoir montré qu’on avait le niveau, et très déçus de ne pas avoir été jusqu’au bout.

Éric Rousseau : D’autant que la course se déroulait tellement bien qu’on n’aurait jamais imaginé devoir s’arrêter. Même entre nous, on n’en a jamais parlé, à aucun moment. C’est arrivé tellement soudainement.

 

Que s’est-il passé ?

G. V. : Lors de la 10e étape, entre Belen et La Rioja, nous avons été victimes d’un dysfonctionnement du système de gonflage/dégonflage, qui a causé des crevaisons à répétition sur le pneu avant droit. Nous avons perdu énormément de temps, et avons atteint les dunes de Fiambala à la nuit tombée, alors que nous aurions dû les traverser de jour. En descente, ces dunes sont de véritables toboggans. Dans la nuit noire, le camion a glissé jusqu’en bas et s’est fracassé sur un obstacle que nous n’avons pas pu anticiper. Le tout à seulement 15 mètres du retour sur la piste, lors de la dernière étape difficile.

 

Avez-vous été tentés d’abandonner ?

G. V. : Non, à aucun moment. On a tout fait pour repartir et on a réussi. On s’est battus pendant de longues heures pour dégager la roue qui s’était enfoncée dans un trou, puis pour la réparer. Nous avons réussi à repartir et à rallier le bivouac de la Rioja. Malheureusement, nous avons été mis hors course par l’organisation pour une arrivée hors délai. C’est la règle du jeu, et nous la connaissions, bien entendu.

 

Gilles, vous aviez déjà participé au Dakar mais Éric Rousseau c’était votre première fois. Quel souvenir en garderez-vous ?

E. R. : Vu du bivouac, le Dakar est une énorme machine qui avance tout doucement, inexorablement. C’est un rouleau compresseur de 3500 personnes qui ne vous attend pas. C’est la pression permanente d’un camion qui doit être réparé à l’aube, avant l’heure du prochain départ. Ce sont aussi deux semaines à vivre la nuit. Quand tous les autres profitent des quelques heures de repos, on travaille tout seul dans son coin.

 

La solitude est-elle difficile à gérer ?

E.R. : Pour ce qui est du travail, au contraire, c’est bien plus confortable. Les rares contacts qu’on a, c’est avec des mécanos qui débarquent en plein milieu de la nuit, un peu paniqués, à la recherche de nouvelles de leur équipe qui n’est toujours pas arrivée au bivouac, ou pour demander si on a une pièce ou un outil pour les dépanner. C’est vraiment une drôle d’ambiance. En revanche, l’éloignement de ma famille a été assez difficile, je n’y suis pas très habitué. On a très peu de contacts pendant les deux semaines.

Avec quelques jours de recul, quel a été votre moment préféré sur ce Dakar 2016 ?

G. V : Pour moi, c’est clairement l’étape de la veille, la boucle Belen-Belen. Une spéciale très technique, que l’on attendait depuis longtemps. On l’a traversée sans aucun problème, à un bon rythme, avec une entente parfaite entre les deux pilotes et moi-même. À ce moment-là, on se rend compte qu’on a un énorme potentiel. Et en plus, on passe en tête au classement de notre catégorie des véhicules de série le soir même. C’était vraiment un super moment.

E. R. : L’ambiance au bord des routes, au départ et à l’arrivée des étapes était assez exceptionnelle. C’était une véritable fête, en Argentine comme en Bolivie, assez comparable au Tour de France. C’était incroyable de voir les enfants connaître les marques, les modèles de camions. C’est que pour leur famille, le camion est un outil de travail indispensable, qui est très présent dans leur vie.

 

Avez-vous eu des contacts avec les concurrents auto-moto ?

E. R. : Nous avons par exemple parlé avec Stéphane Peterhansel, qui se souvenait avoir rencontré des Calédoniens lors du Trèfle Lozérien, une course d’enduro, dans les années 80. Il a promis qu’un jour, après sa carrière, il viendrait en Calédonie.

 

Avez-vous déjà prévu de participer de nouveau au Dakar ?

G.V. : Avant la compétition, il était établi que nous prendrions part aux éditions 2016 et 2017. Malheureusement, le fait que nous n’ayons pas atteint l’objectif, qui était d’arriver au bout, remet en cause cet engagement. Il est très probable que le sponsor ne nous suive pas l’an prochain.

E.R. : C’est très cruel pour l’équipe, qui a fait une course superbe jusqu’à cet incident. Au final, notre course sera jugée sur une histoire d’une quinzaine de mètres qui nous séparaient de notre objectif.

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Propos recueillis parGilles CapraisENTRETIEN avecGilles Valade et Éric Rousseau


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