Elle a fait 14 heures de vol pour atteindre le cœur du Salon international du livre d'Alger (SILA). Un événement dont Maria Teresa Andruetto ne connaît que peu de choses. Pourtant elle était ravie de partager ses expériences et sa vie de littéraire avec un public conquis à la salle Sila au Pavillon C.
La fille du Piémont, en Argentine, est revenue sur ce qui fait tous les jours sa passion pour la littérature : la construction de l'identité individuelle et sociale, au lendemain d'une dictature dans son pays, l'Argentine, ainsi que la femme et l'amour. Ses livres sont dédiés aussi bien au jeune lectorat qu'aux plus âgés. Maria Teresa Andruetto est considérée comme une briseuse de barrières générationnelles. Elle nous en parle.Le Temps d'Algérie : Pourquoi avoir choisi l'écriture jeunesse à défaut d'un autre genre ?
Maria Teresa Andruetto : c'est une question de défi. C'est la parole par rapport aux mots, voir si le mot peut prendre une forme bien précise ou une forme différente. Cela reflète aussi mon mode de lecture, beaucoup d'essais, de narration, de littérature pour enfants. Plus jeune, j'ai travaillé dans des ateliers d'écriture jeunesse mais depuis une trentaine d'années, je me suis spécialisée dans l'écriture et dans la formation de futurs auteurs et la plupart d'entre eux sont déjà des écrivains confirmés. Je les aide à améliorer leurs styles et parfois à se faire éditer.Quelles sont les contraintes qui se posent à ces auteurs en formation ?
La plus grande difficulté est encore de définir son style personnel. Il faut savoir trouver le chemin qui mène vers l'expression du soi, de l'être. Mais ce style propre sera tout de même imprégné par ce qui se produit dans la société où évolue l'auteur.Quelles sont les thématiques que vous privilégiez ?
L'identité personnelle, nationale et sociale, l'immigration et l'émigration et bien sûr l'amour. Pas l'amour qui se résume à celui qui unit un couple mais celui que l'on peut apercevoir à partir du rejet, de la recherche personnelle, l'estime de soi. La solidarité reste le moteur de tout ce que l'on peut réaliser. Il y a aussi un thème central que je privilégie. C'est celui du rapport mère-fille. Cette relation où les filles essayent de comprendre leur mère ou encore le contraire, celui ou elles rejettent leurs mère.Selon vous, existe-t-il, à ce jour, des lignes rouges en littérature à ne pas franchir en Argentine ?
A l'époque de la dictature de 1976 à 1982 et même peut-être en 1975 avant le coup d'Etat, il y avait de la censure et de l'autocensure par peur d'être puni. Après ces années-là, on ne pouvait plus parler de censure mais de lecteur intéressé à un certain thème, notamment celui de la politique. Actuellement sur le marché littéraire, il y a beaucoup plus de littérature superficielle. On lit de tout. Il y en a beaucoup trop d'ailleurs et il est très difficile pour un jeune écrivain de se faire une place.Quel conseil donneriez-vous à un auteur pour devenir célèbre?
Surtout qu'il s'écoute lui-même. Et la lecture bien sûr. Il faut lire beaucoup. Un bon lecteur est celui qui peut lire entre les lignes. Il doit également écouter la musicalité de la langue et développer une perception au-delà des apparences. Au final, qu'il reste fidèle à lui-même.Entretien réalisé
par Samira Hadj Amar