Pour la première fois de l’histoire du pays, les Argentins sont invités à se rendre aux urnes pour un deuxième tour dimanche, afin de départager Daniel Scioli, le candidat de la continuité péroniste, et Mauricio Macri, qui se présente sur le thème du changement. Daniel Scioli ne recueillerait que 39% à 43% des voix contre 50 à 52% pour Mauricio Macri, à en croire les sondages.
« Que t’ont-ils fait Daniel, en quoi t’ont-ils transformé ? » Invités pour la première fois de leur histoire à désigner, ce 22 novembre, le président de leur pays lors d’un deuxième tour, les Argentins ont assisté dimanche soir à un autre événement inédit : un débat télévisé entre les deux prétendants au poste suprême. Avec d’un côté Daniel Scioli, le candidat péroniste du « Front pour la victoire » – le parti de Cristina Kirchner, hôte actuelle de la Casa Rosada –, et de l’autre Mauricio Macri qui se présente sous le signe du « Changement ».
En privé, les deux hommes sont amis. Ils appartiennent au même milieu aisé. Ancien sportif de haut niveau (motonautisme) et entrepreneur à succès, le premier a siégé à la vice-présidence du pays du temps de Nestor Kirchner (2003-2007). Il est gouverneur de la province de Buenos Aires. Homme d’affaires accompli, propriétaire notamment du club de football de Boca Juniors, le second est maire de la ville de Buenos Aires, la capitale du pays.
Au premier tour, Daniel Scioli (58 ans) a recueilli 37 % des voix contre 34 % pour Mauricio Macri (56 ans). Un écart insuffisant pour être assuré de gagner. D’autant que Sergio Massa, un péroniste dissident arrivé troisième avec 21 % des bulletins, s’est refusé à toute consigne de vote. Ce qui explique l’agressivité affichée par le premier à l’égard du second, accusé de vouloir ramener l’Argentine quinze ans en arrière avec des recettes néolibérales basées sur la dévaluation du peso, la fin des subventions sociales et le retour à l’austérité.
Ce discours porterait si le pays ne connaissait déjà une situation économique catastrophique. « Les couches populaires craignent moins la mise en péril de leurs acquis sociaux qu’en 2011, lorsque Cristina Kirchner avait été élue avec leurs voix. Mauricio Macri, qui a gagné des voix dans les bidonvilles de Buenos Aires, ne fait pas peur aujourd’hui », relève Vera Chiodi, maître de conférences en économie à l’Institut des hautes études de l’Amérique latine (IHEAL-CREDA).
« La droite est en passe de revenir au pouvoir, d’autant que l’élection de Macri ne signifierait pas un retour aux années 1990. S’il a un programme économique néolibéral, il tient aussi un discours tranquillisant sur les acquis sociaux », reconnaît Emilio Taddei, enseignant de l’université nationale de Lanus. En ajoutant que si son pays assiste à l’épuisement de la gestion étatique, cela ne signifie pas forcément la fin du kirchnérisme.
Empêchée par la Constitution de se présenter une troisième fois consécutive, Cristina Kirchner est soupçonnée de miser sur une victoire de l’opposition pour espérer revenir au pouvoir dans quatre ans. « La zizanie règne dans le camp officialiste et Daniel Scioli va au second tour comme on va à l’abattoir », souligne Frédéric du Laurens. L’ancien ambassadeur de France en Argentine est particulièrement admiratif du talent de Mauricio Macri à construire une coalition allant de sa formation libérale « Proposition républicaine » au parti radical (UCR), en passant par la Coalition civique pour une République égalitaire.