Alors que les Argentins votent ce dimanche pour élire leur président, Mauricio Macri, maire de Buenos Aires et candidat de la droite, issu d'une riche famille, est crédité d'une confortable avance dans les sondages mais avec 10% d'indécis, l'hypothèse d'une victoire de Daniel Scioli qui porte les couleurs péronistes ne peut être encore écartée. Le pays apparaît divisé entre les classes populaires qui applaudissent les généreux programmes sociaux mis en place par le couple Kirchner ces douze dernières années et les milieux d'affaires qui dénoncent les nombreux contrôles instaurés sur l'économie du pays, la troisième d'Amérique latine.
Andres Borenstein qui a travaillé comme chef économiste pour l’Amérique du sud pour le gouvernement britannique travaille aujourd’hui pour le compte de la banque d’investissement BTG Pactual. Il est aussi professeur à l’Université Torcuato di Tella
Quelles est la situation économique de l’Argentine aujourd’hui?
Cette année, nous allons enregistrer un taux de croissance de 1,5% environ. Si le chômage est assez bas, le problème de notre économie réside dans ses déséquilibres entre une inflation élevée, supérieure à 20%; un déficit budgétaire représentant plus de 5% de notre produit intérieur brut (PIB) et un change contre dollar très pénalisant sur le plan financier. Ce qui fait que l'Argentine traverse une période très compliquée. D'autant que l'environnement mondial n'est pas très favorable dès lors notamment que le Brésil, partenaire commercial important de notre pays, traverse une crise sérieuse.
Dans ces conditions, que devra faire le prochain président?
Quel que soit celui qui sera élu, il va lui falloir s'attaquer au déficit des comptes publics pour revenir aux alentours de 2 à 2,5%. Il devra lutter aussi contre la hausse des prix pour la ramener sous la barre des 10% dans un délai de deux à trois avant d'arriver à la fin de son mandat à un niveau plus raisonnable de 5 à 6%. On attend aussi qu'il règle les problèmes de change et de la dette du pays.
Le prochain président devra également réduire les systèmes de subventions, notamment des tarifs d'énergie qui sont aujourd'hui sans rapport avec les coûts de production et provoquent une consommation peu rationnelle. Tout cela peut se faire d'une manière progressive. S'ils diffèrent sans doute sur le calendrier et l'intensité des réformes, les deux candidats sont conscients qu'il faut changer.
L'Argentine se trouve en situation de défaut de paiement technique du fait de son bras de fer avec des fonds "vautours" américains. On ne peut pas continuer comme cela. Il va donc falloir négocier durant la première moitié de 2016 pour que le pays puisse retourner sur les marchés internationaux de capitaux pour se financer.
Jusqu’à présent, le gouvernement de Cristina Kirchner refusait tout contact avec les « fonds vautours », contestant les décisions de la justice américaine. Pensez-vous qu’il faille changer d’attitude?
Bien sûr qu'il faut discuter avec eux! Il faudra sans doute accepter de payer plus cher mais cela relève des discussions.
On dit les Argentins traumatisés par l’expérience ulra-libérale de la fin des années 1990. Sont-ils prêts à un virage à droite?
Notre pays est toujours passé d'un excès à l'autre. Je ne pense pas que nous reviendrons à une politique ultra-libérale. Les décisions qu'il va falloir prendre ne seront pas forcément très populaires mais les Argentins savent qu'ils ne paient pas le vrai prix de leur énergie. Bien sûr, il faudra agir intelligemment pour ne pas pénaliser les classes les plus pauvres mais je ne m'attends pas à ce que cela crée des tensions sociales. Je crois que les Argentins sont prêts à un changement.
L'année prochaine promet sans doute d’être difficile, particulièrement le premier semestre du fait des ajustements qu'il y a à faire, mais on va s'en sortir. D’abord parce que nous sommes une puissance régionale, forte d’un marché de 42,6 millions de personnes. Avec une économie plus ouverte aux marchés internationaux, cela représente un atout non négligeable. Nous possédons ensuite d'importantes réserves de pétrole et de gaz de schiste avec Vaca Muerta. Enfin, dans le cadre latino-américain, nous disposons d'une main d'œuvre très qualifiée et spécialement flexible.
Comment réformer alors que les réserves de la banque centrale sont proches de zéro?
Il faut soit inciter les agriculteurs à exporter une plus grande part de leurs productions et trouver des financements privés sous la forme de prêts ou en attirant les investissements étrangers en offrant des rendements plus élevés.