C’est un nouveau groupe avec de vieux routiers : Gauchitos, « les petits gauchos », est le résultat d’une longue complicité entre Tomas Jensen et Damian Nisenson, deux artistes montréalais qui ont multiplié les projets créatifs. Cette fois-ci, ils se plongent vers l’Argentine, leur pays d’origine, mais ici, la terre du maté semble aussi bien imaginée que réelle et les musiciens qui complètent le quintette font voler les compositions des deux potes dans plusieurs directions. Vendredi prochain, ils seront à la Sala Rossa avec Moe Clark The Beans Jazz Trio et l’Ironico Orkestra, dans le cadre du festival Malasartes qui débute ce mercredi.
Entre le jazz, la musique actuelle et les musiques du monde, ce festival occupe un espace important et le festival Malasartes est aussi la vitrine du label du même nom. « On veut permettre cette joyeuse salade, mais avec des paradigmes comme l’improvisation, qui est toujours plus ou moins présente, et une musique de racines plus ou moins explicite », explique Damian Nisenson, l’âme de Malasartes. « Les artistes du festival ne sont pas seulement des artistes du label, mais leurs projets musicaux entrent parfaitement dans notre mandat. »
Table ronde sur le jazz
Le festival propose aussi une table ronde sur le jazz au Québec. Parmi les autres créateurs prévus en concert : la fanfare Pour Pour, qui célèbre son vingtième anniversaire avec un nouveau spectacle, Bomata avec son superbe world jazz empreint de paysages imaginaires et Nozen qui propose Buenos Aires, Odessa, Montréal vice-versa, un nouveau spectacle créé sous l’impulsion de Damian Nisenson, le musicien saxophoniste.
Dans Gauchitos, il partage ses compositions avec celles de Tomas Jensen. Le répertoire y est surtout interprété en espagnol et il y chante : « Je ne chantais plus depuis longtemps. Arrivé ici, j’avais même complètement écarté ça. Puis j’ai recommencé à écrire de nouvelles chansons et je les chantais à mes filles pour les endormir. Un jour, j’en offre une à Tomas, il me répond : “ Pourquoi tu ne la chantes pas, tout le monde peut chanter ”. »
De son côté, Tomas Jensen puise dans l’ensemble de son oeuvre. Voici pourquoi : « Les musiciens de Gauchitos sont tellement bons que je me sens à l’aise d’aller avec eux dans n’importe quelle partie de mon répertoire. Ils parlent avec leurs instruments, improvisent, ne manquent pas de verve. Il y a des chansons que je n’ai pas jouées depuis très longtemps. Certaines sont des classiques, comme Manifeste. Notre accordéoniste Luzio Altobelli avait participé à l’enregistrement de la pièce. Quant à Némo Venba, qui joue l’euphorium avec nous, il faisait partie des Faux-Monnayeurs. Il ne me reste qu’à découvrir musicalement notre percussionniste, Marton Maderspach ».
Une certaine vérité
Pour Tomas, les chansons de Damian sont très poétiques, quelque peu atmosphériques, renferment pour certaines un côté folklorique argentin dans les rythmes, ou jazz dans d’autres. Pour Damian, celles de son partenaire possèdent une vérité qu’il a découverte lors de leur récent séjour commun en Argentine. Il s’adresse à Tomas : « J’ai ressenti une différence entre tes chansons en espagnol et celles en français. Je ressentais ton histoire dans tes chansons en espagnol. Quand je t’entends chanter en portugais, c’est pas du fake non plus. C’est une richesse énorme, c’est ta vie, il faut être capable de porter tout ça sur soi. »
Tomas réfléchit : « Quand j’écris en espagnol, je pense que je me suis toujours adressé à un public argentin imaginaire. C’est lié à mon histoire, à mon exil, à la dictature. » Dans Cai, il chante : « Je suis tombé au milieu de la rue et ils sont venus me chercher. Et depuis ce jour-là, personne ne m’a revu. Si je suis quelque part, je vous attends là-bas. » Cette histoire est celle des portés disparus d’une Argentine bien réelle pendant la dictature de 1976 à 1983.