Après avoir annoncé vendredi la levée d'une mesure impopulaire de 2001 destinée à contrer l'évasion de devises, le chef du gouvernement a dessiné lundi les contours d'une réforme moins ambitieuse qu'espéré, qui continuera tout de même de restreindre l'achat de devises.
"Tous les salariés, travailleurs indépendants et professions libérales pourront acheter jusqu'à 2.000 dollars par mois, en fonction de leurs revenus déclarés à l'AFIP (administration fiscale)", a déclaré le chef du gouvernement Jorge Capitanich au cours d'une conférence de presse.
L'AFIP a également précisé que l'épargne en dollars ne pouvait être supérieure à 20% des revenus. Un cadre gagnant 16.000 pesos (2.000 dollars) pourra verser 400 dollars sur un compte épargne.
M. Capitanich, figure de l'exécutif depuis que Mme Kirchner a pris du recul après une opération au cerveau, estime que la demande dépassera un milliard de dollars par mois.
"C'est un pari risqué de la part d'un gouvernement qui ne donne pas de signaux de confiance au secteur privé", relève l'économiste Dante Sica, soulignant que la mesure aura un effet négatif à court terme sur les réserves.
Pour résoudre les problèmes de l'Argentine, les recettes du ministre de l'Economie Axel Kicillof, universitaire keynésien de 42 ans qui a la confiance de la présidente, laissent perplexes les milieux économiques qui dénoncent l'interventionnisme de l'Etat.
La semaine dernière, il a accusé l'entreprise Shell d'avoir attaqué le peso, ce que dément le pétrolier. Lundi, C'est la présidente qui a dénoncé des attaques visant la monnaie de plusieurs pays émergents.
Après 40 ans d'inflation ou d'hyperinflation, la confiance dans le peso s'est envolée et ceux qui en ont les moyens épargnent en dollars. Les plus aisés ont ouvert des comptes à l'étranger, aux Etats-Unis, en Europe ou chez le voisin uruguayen. Les plus petits épargnants conservent chez eux leurs économies en dollars.
Selon l'économiste Rodrigo Alvarez, la libéralisation de l'accès au dollar ne va pas faire disparaître le "dollar blue (bleu)", ou dollar parallèle apparu en 2011.
"Nous continuerons d'avoir un marché parallèle. Tout va dépendre de l'ouverture du robinet de dollars, il me semble que le robinet s'ouvre à peine", affirme-t-il.
Lundi, le dollar est resté stable à 8 pesos au taux officiel après 18% de dépréciation depuis le 1er janvier et 24% en 2013. En revanche, le taux du dollar "blue (bleu)" au marché noir a augmenté de 11,70 pesos pour un dollar vendredi à 12,20.
Dans la rue Florida, foyer du marché parallèle dans le centre de Buenos Aires, les rabatteurs s'inquiétaient de l'avenir du "dollar blue".
Pour sa part, le gérant d'un bureau de change du marché noir estimait que la demande de dollars restait largement supérieure à l'offre et que le change "blue" avait de beaux jours devant lui.
La semaine dernière, le gouvernement a fortement dévalué le peso face au dollar, 14% en deux jours, une mesure réclamée depuis longtemps par les exportateurs en quête de compétitivité sur le marché international.
De leur côté, les entreprises qui importent voient leur marge se réduire et envisagent d'augmenter les prix, si elles ne l'ont pas déjà fait.
La récente dévaluation du peso en Argentine, de la livre turque, de la roupie indienne et du rand sud-africain ont soulevé des inquiétudes sur les marchés internationaux.
La baisse des perspectives de croissance en Chine et le changement de politique monétaire aux Etats-Unis augmentent la pression sur les pays émergents.
La question des réserves (passées de 52 à 29 milliards de dollars en trois ans) et l'inflation supérieure à 20% depuis six ans sont les principales inquiétudes du gouvernement de Cristina Kirchner, dont le mandat s'achève à la fin de l'année prochaine.
Autre préoccupation de l'Argentine, les producteurs de soja tardent à vendre leur récolte. La brusque dévaluation du peso la semaine dernière invite à la prudence les producteurs agricoles dans un pays étroitement dépendant des exportations de soja, ponctionnées à 35% par l'Etat et qui constituent la principale source de devises depuis la crise économique de 2001.
AFP