L’Argentine en défaut de paiement crie à l’injustice



Stan Honda/AFP Le ministre argentin de l’Economie Axel Kicillof le 30 juillet 2013 à New York

L'Argentine, confrontée à un défaut de paiement sur sa dette, certes partiel mais aux conséquences imprévisibles, crie à l'injustice, met en doute l'indépendance de la justice des Etats-Unis, alors que d'ultimes tractations se déroulent à New York.

Les négociations entre une délégation gouvernementale argentine et deux de ses fonds créanciers ont échoué, mais il subsiste l'espoir d'une solution impliquant des banques proposant de racheter la dette, dont l'américaine JPMorgan.

Le juge américain Thomas Griesa, chargé du dossier depuis 10 ans, a convoqué une nouvelle réunion vendredi à New York.

Cela n'a pas empêché l'agence de notation Fitch de déclarer la dette argentine en "défaut partiel", comme l'avait fait Standard and Poor's, à la suite de quoi la Bourse de Buenos Aires perdait 8,40%, après avoir flambé mardi et mercredi.

Pour la présidente de centre-gauche Cristina Kirchner, l'Argentine n'est pas en défaut de paiement. "Défaut sélectif? Cela n'existe pas, a-t-elle insisté. Le Défaut, c'est de ne pas payer. Nous avons la vocation de dialoguer mais nous devons défendre nos droits et les intérêts du pays". "Que ce monde mette un frein aux fonds vautours et aux banques insaciable qui veulent s'enrichir avec une Argentine à genou", a-t-elle ajouté.



DANIEL GARCIA/AFP Le chef du gouvernement argentin Jorge Capitanich à la conférence de presse du 30 juillet 2014

Le défaut de paiement porte sur 539 millions de dollars, une somme versée par la Banque centrale d'Argentine le 26 juin, bloquée à New York par une décision judiciaire.

Dans un pays déjà fragilisé par la récession, 30% d'inflation et un déficit budgétaire, l'inquiétude monte, même si la situation est loin d'être aussi grave que lors de la crise de 2001. Buenos Aires continue de payer ses autres créanciers, alors qu'en 2001, l'Argentine s'était déclarée en défaut pour 82 milliards de dollars.

La présidente argentine estime que son pays a été visé par "des missiles financiers" tirés par les fonds "vautours".

Le chef du gouvernement argentin Jorge Capitanich a dénoncé le parti-pris de la justice des Etats-Unis et menacé de saisir des instances internationales. "Si le juge est un agent des fonds spéculatifs, si le médiateur (judiciaire) est un agent à eux, de quelle justice parle-t-on ? Il y a dans cette affaire une responsabilité de l'Etat, des Etats-Unis, qui doivent garantir les conditions d'un respect sans restriction de la souveraineté des pays".

Les discussions à New York sont restées dans l'impasse. Les fonds "vautours" et le juge Thomas Griesa ont mis en avant que l'Argentine devait respecter la loi des Etats-Unis et appliquer un jugement lui ordonnant de payer 1,3 milliard de dollars à deux fonds américains.

- Pas de panique -

De son côté, l'Argentine martèle que si elle s'exécute, elle viole la clause RUFO figurant dans les contrats de la dette restructurée en 2005 et 2010 libellés à New York, spécifiant que tous les créanciers doivent bénéficier des mêmes conditions de remboursement.



Gustavo Izus/jh/AFP Présentation de la dette de l'Argentine et du scénario possible si le pays est en défaut de paiement

La décision de la justice américaine ordonnant à l'Argentine de payer 100% de la valeur des bons aux fonds NML et Aurelius (1% des créanciers) contrevient à cette clause, car 93% des créanciers restructurés touchent environ 30% des sommes initialement dues.

Le gouvernement argentin a choisi de ne pas payer les 1,3 milliard de dollars redoutant de déclencher une avalanche de réclamations des autres créanciers auxquelles Buenos Aires ne pourrait pas faire face.

Dans une lettre adressée au Congrès, une centaine d'économistes américains ont estimé que "le jugement bloquant tout paiement de l'Argentine à 93% de ses créanciers pourrait causer des dégâts économiques inutiles au système financier international et aux intérêts des Etats-Unis, de l'Argentine".

- 'Mauvaise finance' -

Selon les analystes, une des premières conséquences du défaut de paiement est de maintenir l'Argentine à l'écart des marchés internationaux des capitaux, alors que Buenos Aires espérait y lever à nouveau des fonds. Depuis sa faillite en 2001, l'Argentine a progressivement remboursé sa dette grâce notamment à ses exportations agricoles, passant d'un endettement de 160% du PIB à 40% actuellement.



Rayan Hindi, Emmanuel Defouloy/AFP Argentine: un éventuel défaut différent de 2001

"S'il y a un accord rapide, l'impact sur l'économie argentine sera relativement limité", estime la banque française Natixis dans une note. "Mais le coût d'un défaut prolongé sera substantiel", ajoute-t-elle.

Jeudi déjà, le groupe français de distribution Carrefour a annoncé qu'il réduirait ses investissements dans ce pays.

Pour le fonds NML, appartenant au milliardaire républicain américain Paul Singer, "pendant ce processus, le médiateur a proposé diverses solutions innovantes, plusieurs d'entre elles étaient acceptables selon nous. L'Argentine a refusé de les envisager sérieusement, et a choisi à la place d'aller au défaut".

"Je suis extrêmement choqué" par l'issue de cette affaire, "la justice américaine juge selon ses propres canons (...) Cela remet en cause une décision d'intérêt général", a dit à l'AFP le ministre français des Finances, Michel Sapin.

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