L’Argentine élit un libéral-conservateur

Par Bill Bonner

Mauricio Macri(CC BY-ND 2.0)

Mauricio Macri(CC BY-ND 2.0)

 

Compères contre zombies

Les élections sont « une vente aux enchères anticipées sur des biens volés », écrivait H.L. Mencken. Notre chronique du jour parle des acheteurs.

Au risque d’une simplification excessive, la ligne de faille des élections présidentielles argentines, dimanche dernier, séparait deux groupes : à gauche se trouvaient en majeure partie des zombies. À droite, des compères.

La différence entre les zombies et les compères n’est pas la quantité de biens volés qu’ils convoitent, les deux groupes voulant tout, mais le prix à l’unité. Les compères préfèrent les marchandises conséquentes, les contrats gouvernementaux, les subventions agricoles et la protection des marchés. Les zombies, peut-être parce qu’ils sont plus nombreux, tendent à préférer les allocations en tous genres et les versements aux employés syndiqués.

Mauricio Macri, candidat compère, a gagné les élections en Argentine, battant le représentant des zombies, Daniel Scioli, successeur désigné de la présidente en activité, Cristina Kirchner.

Macri fait partie d’une des familles les plus riches du pays. Il a fait des études à la Columbia Business School et à la Wharton School, à l’Université de Pennsylvanie. Être riche a ses avantages, mais cela a aussi un prix. En 1991, la police fédérale argentine a kidnappé Macri et l’a retenu pendant 12 jours dans une cellule au sous-sol, jusqu’à ce que son père verse une rançon.

Cette anecdote nous rappelle Jules César. Des pirates l’avaient capturé et demandaient une rançon. La réponse de César : « Vous feriez mieux d’espérer qu’ils ne verseront rien. Parce que s’ils le font, je reviendrai et je tuerai chacun d’entre vous » (ou à peu près). La famille de César paya la rançon. Et César se lança à la poursuite des pirates. Il les attrapa et les mit à mort ; bien que, par pitié, il permit qu’on les étrangle avant de les crucifier.

Pour autant que nous le sachions, Macri n’a jamais capturé ses ravisseurs. Et il ne les a pas fait crucifier. Ce qui montre à quel point la vie publique part en quenouille depuis l’empire romain.

Un héritage désastreux

On ne s’attendrait pas à ce que quelqu’un comme Macri ait beaucoup de chances dans la pampa. Depuis la gigantesque vague d’immigration italienne à Buenos Aires au début du 20ème siècle, les zombies abondent. Non que les Italiens soient particulièrement zombifiés. Mais c’était l’époque de la « syndicalisation », inspirée par les communistes, les socialistes et les anarchistes radicaux. Les Italiens rejoignirent les syndicats urbains et encouragèrent le versement de subventions à devinez qui ? Eux-mêmes.

Contrairement à Macri, le plus célèbre politicien d’Argentine, Juan Perón, a fait carrière dans l’armée. En 1939, il a été envoyé dans les Alpes italiennes pour étudier les techniques militaires en terrain montagneux… et a appris comment fonctionnait le fascisme mussolinien.

Il a aussi découvert le secret pour gagner des élections : promettez aux zombies l’argent des autres, en quantité croissante.

En 1946, Perón, candidat pour le parti conservateur, battit le candidat centriste José Tamborini, et devint président. La population électorale du prolétariat de Buenos Aires était devenue si vaste qu’elle pouvait contrôler la nation entière. Depuis, le parti péroniste, expert en manipulation de zombies, a gagné 9 élections sur les 11 auxquelles il a été autorisé à participer. Les fois où il n’a pas gagné, il a réussi à chasser le président en poste avant la fin de son mandat.

Mais le problème avec le socialisme, observait Margaret Thatcher, c’est qu’on finit par se retrouver à court d’argent des autres. C’est le problème qui a rattrapé le gouvernement péroniste le plus récent, celui de Cristina Kirchner.

Le gouvernement avait promis les biens volés, comme toujours. Mais il était devenu de plus en plus difficile de trouver quelque chose à voler. Selon l’analyste Iván Carrino, dans notre bureau de Buenos Aires, l’héritage de Kirchner comprend :

  • Une inflation parmi les plus élevées au monde – des estimations privées la mettent à environ 25% par an ;
  • Un déficit budgétaire qui atteindra 7% du PIB d’ici la fin de l’année ;
  • Un taux d’imposition à des niveaux record en termes historiques ;
  • Quatre millions de fonctionnaires ;
  • Une banque centrale en faillite, avec une valeur nette négative de 8 600 milliards de dollars ;
  • Un marché des changes qui détruit le commerce international et viole les libertés élémentaires ;
  • Une dette publique impayée de 10 milliards de dollars environ.

Il fallait faire quelque chose. Dimanche, donc, les électeurs argentins ont mis les zombies dehors et élu le candidat compère. Son travail consistera à reconstruire l’économie sur des principes plus conformes au libre-échange, distribuant au passage de généreux avantages à ses amis et soutiens en Terre Compère, bien entendu. De la sorte, lorsque les zombies reprendront le dessus, ils auront plus d’argent des autres avec lequel travailler.


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