Un juge de New York a ordonné à l'Argentine de verser 1,33 milliard de dollars (1 milliard d'euros) à des fonds spéculatifs détenteurs de sa dette publique d'ici au 15 décembre. Le pays a annoncé qu'il ferait appel de cette décision dès lundi 26 novembre.
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"Nous ne pensons pas que ce soit juste de payer les fonds vautours, a commenté le ministre de l'économie, Hernan Lorenzino. Il ne manque plus maintenant que le juge Griesa nous envoie la Ve Flotte!" Ce magistrat américain estime que "ce n'est pas vraiment une injustice que d'avoir des décisions de justice obligeant enfin l'Argentine à payer ce qu'elle doit."
RISQUE DE DÉFAUT DE PAIEMENT
Le gouvernement argentin assure vouloir et pouvoir honorer ses engagements auprès des 93 % de ses créanciers qui ont participé à l'échange de dette en 2005 et 2010, après le défaut de paiement du pays en 2001 (en l'occurrence, l'Argentine devra verser à ce titre 3,14 milliards de dollars au 15 décembre).
Mais Buenos Aires refuse de payer les fonds spéculatifs qui n'ont pas participé à cet échange. "Qui va rentrer maintenant dans un processus de restructuration [de la dette] si d'autres, avec un peu de patience, des avocats et un juge perméable finissent par être remboursés ?", s'interroge M. Lorenzino.
Si la décision de cette semaine devait être confirmée en appel, voire devant la Cour suprême américaine, et si l'Argentine s'évertuait à refuser de rembourser ces fonds, le pays se retrouverait en défaut de paiement.
Dans ce contexte, l'agence Standard Poor's vient d'abaisser la note de la dette souveraine argentine de B à B–. Elle prévoit une récession pour ce pays en 2013, du fait de "perspectives économiques sombres". Fitch pourrait aussi vite abaisser sa note (actuellement B soit très spéculatif).
MAUVAISE RÉCOLTE DE CÉRÉALES
Sous le coup de la déprime mondiale, d'une mauvaise récolte de céréales, d'un déficit énergétique et des effets des limitations imposées par le gouvernement sur les importations et les taux de change, la croissance devrait passer de 9 % en 2011 à 2,2 % cette année, juge la Banque mondiale.
Le protectionnisme, s'il a isolé le pays sur la scène internationale, n'a pas pour autant permis de dynamiser le secteur industriel car il a besoin de biens intermédiaires qui représentaient plus d'un tiers des importations. Le taux de chômage s'élève à 7,6 % de la population active et plus de 30 % des salariés travaillent au noir.
Les citoyens dénoncent la criminalité croissante, la corruption, le délabrement des transports publics et des services de santé et d'éducation défectueux. Surtout, ils subissent le contrecoup d'une inflation galopante : + 8 % selon les chiffres officiels, mais près de 25 % selon les économistes.
GRÈVE NATIONALE
La ville de Buenos Aires est aussi chère qu'une capitale européenne et les augmentations de salaires ou des retraites sont devenues dérisoires. Les syndicats d'opposition réclament par ailleurs une baisse de l'impôt sur le revenu des travailleurs.
C'était l'une de leurs demandes à l'occasion de la grève nationale qui a paralysé l'Argentine le 20 novembre, une première depuis l'arrivée au pouvoir de Cristina Kirchner en 2007. "Il ne s'agissait que d'intimidations et de menaces. Nous ne pouvons pas céder au chantage", a déclaré la présidente péroniste réélue en octobre 2011 avec 54 % des suffrages.
La grève conduite avec succès par le courant dissident de la Centrale des travailleurs argentins et de la Confédération générale du travail de Hugo Moyano – le puissant dirigeant des camionneurs fut l'allié jusqu'en 2011 de Mme Kirchner – est intervenue deux semaines après des manifestations massives à travers tout le pays, révélant que le gouvernement a perdu le soutien d'une partie de la classe moyenne et des travailleurs. La popularité de la présidente est tombée en un an de 60 % à 34 % d'opinions favorables.