Buenos Aires – Un accord d’indemnisation de la compagnie pétrolière Repsol après la nationalisation de sa filiale argentine YPF en 2012 est crucial pour Buenos Aires, en pleine crise énergétique et soucieuse d’attirer de gros investisseurs dans l’immense gisement de Vaca Muerta.
Expropriée en avril 2012, Repsol doit se prononcer mercredi sur une proposition d’indemnisation de l’État argentin estimée à 5 milliards de dollars en obligations du trésor argentin, alors que Repsol réclamait jusqu’ici 10 milliards.
La multinationale américaine Chevron et l’allemand Wintershall (BASF) ont annoncé des investissements importants pour pomper gaz et pétrole de schiste à Vaca Muerta, gisement en phase d’exploration qui place l’Argentine juste derrière les États-Unis et la Chine en matière de réserves d’hydrocarbures non conventionnels [de schiste].
Le conflit avec Repsol était considéré comme un obstacle pour l’arrivée d’autres géants, comme le russe Gazprom, le mexicain Pemex, le français Total ou des américains et chinois, parfois cités dans la presse. Une solution négociée entre le gouvernement argentin et le groupe privé espagnol mettrait fin à un an et demi de conflit et l’Argentine « passerait d’une position hostile à une position conciliante », observe Alberto Roberti, président de la fédération argentine de pétrole, gaz et biocarburants.
L’accord Repsol-État argentin, ajoute Eduardo Barreiro, consultant spécialiste en pétrole et gaz, « est un point de départ. YPF a besoin de capitaux pour augmenter sa production, et pour cela il faut attirer des multinationales ».
En 2013, plus de 4 milliards de dollars ont été investis dans le bassin de Neuquen, où se trouve Vaca Muerta, au pied des Andes et proche du Chili, « l’un des gisements de schiste les plus intéressants dans le monde aujourd’hui », selon le vice-président de Chevron, George Kirkland. Pomper du gaz ou pétrole de schiste est beaucoup plus onéreux que l’exploitation traditionnelle, car il faut utiliser la technologie de fracturation des roches pour les atteindre.
Faute d’argent comptant, l’Argentine va s’endetter pour dédommager Repsol, rompant avec la politique de désendettement en vigueur depuis la crise économique de 2001-2002, quand l’économie s’était effondrée sous le poids de la dette.
Les réserves fondent
Le temps presse pour Buenos Aires car, fin 2013, le déficit de sa balance énergétique aura atteint 7 milliards de dollars, alors que les réserves de devises fondent. De 52 milliards de dollars en 2010, elles ont diminué à 32 milliards, selon la Banque centrale. Autosuffisante en énergie jusqu’en 2008, l’Argentine importe désormais 20 à 25 % de ses besoins.
La production de pétrole a commencé à décliner en 1998, celle de gaz en 2004, car dans les années 1990, les compagnies pétrolières n’étaient pas tenues de réinvestir dans le pays et ont préféré réinvestir leurs bénéfices en Bolivie, Équateur, Colombie ou au Pérou, rappelle Eduardo Barreiro. L’augmentation de la consommation d’énergie a aggravé le problème.
Selon le consultant, Repsol est tout aussi pressé de parvenir à une solution ajoutant que la compagnie publique mexicaine Pemex, détentrice de 10 % des parts de Repsol, pousse le patron de Repsol à signer un compromis « car Pemex veut investir dans Vaca Muerta ».
L’Argentine espère devenir exportatrice d’hydrocarbures une fois Vaca Muerta exploité à son rythme de croisière, d’ici à la fin de la décennie.
En avril 2012, le gouvernement avait pris le contrôle d’YPF, première entreprise du pays, lui reprochant de ne pas investir suffisamment et voyant que réserves et production étaient en forte baisse.
L’artisan de la nationalisation, l’actuel ministre de l’Économie Axel Kicillof, avait initialement dit devant le Congrès que Repsol ne recevrait pas de compensation et devrait au contraire indemniser l’Argentine.