Jorge Zorreguieta a été successivement vice-ministre (1976-1979), puis ministre de l'Agriculture (1979-1981) du général Videla. Les opposants au régime disparaissaient à travers le pays. Souvent torturés, jetés depuis des avions. Les organismes de défense des droits de l'homme dénombrent 30 000 disparus.
Aujourd'hui âgé de 85 ans, il affirme qu'il ne savait rien de ces atrocités. Mais cette version est contredite par un historien chargé par le gouvernement néerlandais d'enquêter sur Jorge Zorreguieta. Il avait conclu que le père de Maxima devait probablement savoir quelque chose, mais était quasiment certain qu'il n'était pas impliqué personnellement.
"Il est évident qu'il savait quelque chose, pourquoi Maxima ne dit-elle pas simplement 'mon père ment quand il dit qu'il ne savait pas' ?", s'exclame Pablo Jannes, 56 ans, un Néerlando-Argentin de 56 ans vivant aux Pays-Bas depuis 1987.
"Maxima n'a pas participé à la dictature, bien sûr, mais j'estime qu'elle n'a pas assez pris ses distances avec le passé de son père", ajoute-t-il en sirotant un "mate", boisson typiquement sud-américaine.
Pablo Jannes avait 20 ans quand Jorge Videla est arrivé au pouvoir. Avant cela, il avait été brièvement enlevé par le régime répressif d'Isabel Peron en raison de son engagement dans les cercles étudiants et du statut de son père, un influent syndicaliste.
Il se souvient encore avec horreur de son arrestation. Par cinq fois, dit-il, sa mort sera "mise en scène" par ses geôliers, qui souhaitent lui faire "cracher" des informations qu'il aurait eues en sa possession : lui faisant croire que l'arme est chargée alors qu'elle ne l'est pas, ils pointent un pistolet sur sa tête et tirent la gâchette.
Durant les années Videla, il fait profil bas et ne réside jamais très longtemps au même endroit.
"Son père a fait une erreur en acceptant d'être ministre sous la dictature, et cela, Maxima devrait l'admettre publiquement, mais elle ne le fait pas", s'emporte Pablo Jannes : "Du coup, cela sonne faux quand j'entends Willem-Alexander et Maxima parler de droits de l'Homme".
En 2006, Maxima était allée à la rencontre des Grands-mères de la place de Mai, mouvement emblématique de la dénonciation des crimes de la dictature. Le geste avait été grandement apprécié par le mouvement.
Avant son mariage en 2002 avec Willem-Alexander, elle avait dit : "Je regrette que mon père ait fait de son mieux dans un régime mauvais. Il avait les meilleures intentions, je le crois".
Au royaume du politiquement correct, il était exclu que le père de Maxima assiste au mariage, et sa mère décida de ne pas y assister non plus par solidarité. La famille de Maxima n'a pas non plus été présente lors de l'intronisation mardi de Willem-Alexander. "Mon père n'y a pas sa place s'il y a de telles questions qui sont soulevées", avait-elle dit lors d'un entretien télévisé deux semaines avant l'intronisation.
"Ce n'est pas parce qu'il ne vient pas à la cérémonie ou qu'il n'était pas là à la noce que nous oublions", assure pour sa part Claudia Piazza, une Argentine de 25 ans travaillant comme serveuse dans un restaurant argentin d'Amsterdam, selon laquelle "le thème du père de Maxima" a été trop vite mis de côté.
Deux plaintes ont été déposées contre Jorge Zorreguieta pour la disparition d'un médecin et d'une biologiste dépendant de son ministère, mais il n'a jamais été inculpé.
AFP