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Allongé sur un lit « queen size » à l'odeur épicée, on contemple le paysage glacé qui défile à sa gauche. Le format 16/9 de la fenêtre fait oublier la télévision durant le séjour qui s'ouvre à peine dans la région de Santa Cruz, en Argentine. Trois jours sur l'eau parmi les glaciers patagoniens. Une croisière exceptionnelle à bord d'un bateau grand luxe.
Un navire de 40 mètres de long, à l’atmosphère intime. On les parcourt volontiers pour profiter du Salon turquoise, entre autres, situé au premier niveau et dont le mobilier se fond presque dans le bleu des glaciers au dehors. Deux étages plus haut, le Salon Calafate s'étire sur plus de 100 m², une superficie divisible en autant de coins propices au repos ou à l'interaction des passagers. Il est 18h. L'embarcation se met en branle.
Le port de La Soledad rétrécit à mesure que l'on s'écarte du rivage. Passés la Bahia Tranquila et la Punta Bandera, on atteint la Bahia Alemana (la Baie d'Alemana), première étape de cette croisière exceptionnelle. Les blocs de glace flottant à l'horizon paraissent encore plus blancs à côté des roches noires émergeant de l'eau. On avance sur ce damier irrégulier aussi lentement que les pions d'un jeu d’échecs. Le passage rétrécit progressivement. La Boca del Diablo (bouche du diable, en espagnol) porte bien son nom. Large de 800 mètres seulement, elle constitue le passage le plus étroit du lac. Face à ce moindre obstacle, on ne peut s'empêcher de penser au film catastrophe Titanic. La nuit et le froid tombent soudain. Tout le monde rentre. Les moteurs ralentissent jusqu'à s'arrêter complètement à Puesto de la Vacas, paisible baie lovée au creux du Canal Spegazzini. C'est là que l'on passe sa première nuit à bord, dans l'immobilité la plus totale. Impossible de heurter un iceberg dans ces conditions.
Le lendemain matin, une excursion est chapeautée par une équipe de guides spécialisés. La promenade commence par la visite du Glacier Spegazzini, pilier du parc national Los Glaciares, qui doit son nom à un botaniste italien du XIXe siècle.Oscillant entre 80 et 125 mètres de hauteur, son front (limite pouvant prendre la forme d'une falaise, d'une colline, ou d'un amas destructuré de glace) s'apparente à un vaste fleuve de glace débouchant sur un flanc rocheux coupant lui-même le lac à la perpendiculaire. C'est face à cet inénarrable spectacle qu'est servi le déjeuner.
Un éventail de glaçons se déploie ensuite sous les yeux des promeneurs. Il y en en a de toutes les formes et de toutes les couleurs, à l'instar d'un prisme de lumière. Cet arc-en-ciel inattendu préfigure la découverte d'un autre glacier, nommé Upsala en hommage à l'université homonyme qui fut la première à financer des études glaciologiques dans la région de Santa Cruz. Au-delà de ses 60 mètres de hauteur, s'étirent plus de 900 km². Impressionnant ! On se sent subitement tout petit face à cette immensité congelée. Et pour cause, l'intimidant glacier joue le rôle de barrage naturel, bloquant l'onde ruisselant sous forme de lac.
On se dirige à présent plus au sud, vers les Glaciers Mayo et Negro, foulés par tant d'expéditeurs, parmi lesquels Federico Reichert, Cristobal Hicken, Lucien Hauman et Juan Jörgensen dont le but était d'atteindre le fjord San Andres. Le premier retient d'autant plus l'attention qu'il loge dans la partie la plus escarpée du Champ de glace Sud de Patagonie, à savoir entre l'Argentine et le Chili. Sa longueur ? 350 km. Ce que le guide appelle « ojivas » (ogives, littéralement) désigne une alternance de bandes claires et obscures correspondant tantôt à une roche particulière, tantôt à un crevasse. L'hiver la neige empêche la poussière de pénétrer et par conséquent de creuser des fissures préexistentes. On passe ensuite par le Canal de los Témpanos pour rejoindre la star des glaciers argentins, ElGlaciar Perito Moreno. Comme la plupart des sites précédents, il tient son nom d'un grand homme, l'explorateur Francisco Moreno (1852-1919), acteur important dans la revendication d'une frontière fixe entre l'Argentine et le Chili.
L'heure du déjeuner a sonné. Débarquement précipité au pied du glacier. Les conditions ne paraissent pas idéales pour un pique-nique, mais on se réchauffe vite au contact d'un verre de vin chaud. Le soleil émet de chaleureux rayons, conférant des reflets mordorés à cet énorme monochrome de glace. Le retour à La Soledad est prévu pour 16h. Le temps de finir ses alfajores, biscuits sablés fourrés au dulce de leche (confiture de lait) et on lève à nouveau l'ancre vers le continent.