Des plantations de soja OGM et de céréales à perte de vue sur des kilomètres carrés, une immensité plate comme la main. La route fut longue et le paysage monotone entre Rosario et Cordoba, où se tenait samedi le concours de printemps de la race limousine. Après une interminable journée de route – bienvenue en Argentine – c’est avec soulagement que les délégations ont enfin rallié le cœur de la pampa. Une journée de transit placée sous le signe… des céréales avec deux étapes : à l’Institut national de technologie de l’agriculture et dans une usine de bioéthanol. Pas grand-chose à voir avec les limousines donc, mais ce périple de 300 kilomètres a permis aux éleveurs de constater à quel point les cultures ont gagné du terrain sur l’élevage.
« Quand je suis venu ici en 1993 pour juger un concours national de la race limousine à Palermo, il y avait des bovins tout le long de la route. Aujourd’hui, c’est à peine si on voit de loin en loin quelques troupeaux de laitières », constate Jean-Luc Kress de KBS-Génétic. Surprenant quand on sait que cette vaste région de la pampa au nord-ouest de Buenos Aires assure à elle seule 56 % de la production bovine de l’Argentine.
« Enfin des bovins », ont soupiré comme un seul homme les membres de la délégation en arrivant, vendredi matin, sur le site de la “Société rurale” à Jésus-Maria, une petite localité à une heure de Cordoba. « Le CIL ici en Argentine a été l’occasion pour nous de relancer le concours de printemps que nous avions abandonné il y a quelques années », précise Dalmiro Martinez, pionnier des importations de limousines en Argentine dans les années 60.
D’entrée, les éleveurs français sont un peu surpris par ce concours à la mode argentine. Tant par la forme que par le fond. 155 bovins limousins mâles et femelles répartis en 20 catégories d’âge, de 1 à 7 ans pour les plus vieux taureaux, défilent par lot de deux à quatre dans un enclos de 40 mètres sur 30, bordé de gradins sous un vaste toit de tôle. Rien à voir avec les concours à la française. « Nous ne sommes pas dans le même monde par rapport au concours français », résume Robert Arrouy.
Après un premier tri effectué la veille, le juge unique, Carlos Ojea, très renommé ici pour ses jugements sur… la race angus, sélectionne les meilleurs animaux qui vont se disputer les premiers prix. Vaches et taureaux entrent dans l’enclos sans être tenus. Il y a parfois un petit côté corrida avec certaines bêtes un peu excitées.
« Nous présentons ici des animaux “puro de pedigree” [pur pedigree, ndlr] qui sont inscrits au herd-book et des animaux “puro controlado” qui ont le potentiel. Les animaux sont inscrits dans un registre préparatoire et doivent suivre cinq générations avant d’accéder au herd-book, explique Dalmiro. Aux États-Unis, c’est encore autre chose, on parle de “pure French” ou de “pure robe” issus du herd-book français. »
Taillés pour le marché
Les limousines argentines surprennent par leur petit gabarit. Rien à voir avec les animaux de plus d’une tonne qui défilent sur les rings français. « C’est la suite logique des besoins du marché de la viande argentine, constate Stéphane Deconchat, commercial chez Sofrelim, filiale commerciale du groupement de producteurs GLBV à Saint-Just-le-Martel. Ils sont petits et précoces. Ils sont finis avant d’être finis… Mais il faut reconnaître qu’ils ont une belle finesse d’os et des aplombs remarquables. »
« On voit bien que les largeurs de bassins et les épaisseurs de dessus ne sont pas leur priorité, commente Jean-Marc Alibert, président du herd-book limousin. En France c’est dans cette partie de l’animal que nos bouchers extraient les morceaux nobles. Ici, ils ont d’autres critères. »
Envoyé spécial Jean-Paul Sportiello
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