Un film allemand pour conclure cette semaine argentine? Sans doute German Kral, né en 1968 à Buenos Aires mais établi en Allemagne depuis qu’il y a étudié le cinéma, a-t-il vu l’alambiqué Tango de Carlos Saura (1998). Mais c’est grâce au patronage de Wim Wenders, déjà producteur exécutif de son documentaire Musica cubana, qu’il a pu réaliser cet hommage à un couple mythique du tango: Juan Carlos Copes et Maria Nieves Rego.
Drôle de film que ce documentaire «en abyme», basé sur leurs interviews respectives augmentées de recréations d’époque avec des comédiens/danseurs d’aujourd’hui eux-mêmes montrés se préparant à leur rôle! On s’y abandonne avec un certain plaisir, la photo (co-signée par le spécialiste Félix Monti, comme celle d’«Argentina» de Saura) étant chatoyante à souhait et la musique tango dans tous ses états. Mais dès que la vieille dame commence à égrener ses souvenirs, on peut aussi être saisi par un sentiment de terrible banalité. C’est en effet toujours la même vieille histoire: séduction et passion, gloire et infidélités, rupture et refuge dans le travail.
L’art ou l’amour
En face, le vieux monsieur se montre nettement plus laconique et réaliste, limite grognon. Il reconnaît volontiers qu’elle était «l’unique», sa partenaire de scène idéale dans les années 1950-60. Dans la vie par contre, c’est une autre histoire. Certes, leur lien professionnel s’est prolongé bien au-delà de la séparation, notamment pour le triomphe mondial du spectacle Tango argentino dans les années 1980. Mais plus de réconciliation à espérer, même si le réalisateur a tenu à des dernières retrouvailles – qui tombent dès lors un peu à plat.
A ce fil rouge sentimental, on aurait préféré plus sur le contexte socio-culturel du tango, son évolution (ils ont notamment fréquenté Astor Piazzola) ou le rapport aux Etats-Unis (ils ont rêvé de Hollywood avant de triompher à Broadway). Bien sûr, toute cette musique raconte l’histoire éternelle du couple, sa complémentarité et ses tiraillements, que Copes et Rego auront incarnés à merveille durant un demi-siècle. Mais dans ce cas, n’aurait-il pas été possible de montrer au moins une danse dans son intégralité? Au lieu de quoi Kral épuise le spectateur avec ses coupes incessantes, comme s’il n’avait pas vraiment confiance en la force intrinsèque de son matériau.
* El ultimo tango (Un tango más/Der letzte Applaus – Ein Leben für das Tango), documentaire de German Kral (Allemagne-Argentine). 1h25