Benjamin Mondon p
Gabriel Batistuta. Ce nom, qui résonne encore dans beaucoup de stades d’Argentine et d’Italie, est celui d’un des plus grands joueurs des années 1990, s’il n’est pas le plus grand. Fuoriclasse ? Ce qualificatif italien lui va comme un gant… à moins qu’il ne soit trop faible pour exprimer l’étendue du talent de « Batigol ». Batistuta, entre 1991 et 2003, va graver une page de l’histoire du football latino, à la fois en Amérique du Sud et sur la péninsule italienne.
Le gamin, natif de la province de Santa Fe où il a vu le jour en 1969, débute au sein d’un des poids lourds de la région, Newell’s Old Boys (qui, quelques années plus tard, verra Diego Maradona y achever peu à peu sa carrière et Lionel Messi parmi ses équipes de jeunes), à la fin des années 1980. Il est découvert par Jorge Griffa, alors en charge des jeunes pousses de Newell’s, et qui sera plus tard secondé par un certain… Marcelo Bielsa. Très vite, son talent saute aux yeux et, à 19 ans, il part à Buenos Aires chez les Millonarios de River Plate, avant – il n’y a pas pire trahison – de rejoindre les rangs de l’ennemi juré de River, Boca Juniors. Il s’adapte mieux à la ferveur de la Bombonera qu’aux ambiances non moins chaudes du Monumental de River, et devient le goleador attitré de l’équipe. En une seule saison à Boca, il empile 19 pions, s’ouvrant ainsi les portes de l’Italie.
Le gamin débarque sur la Botte et signe à la Fiorentina à l’été 1991. A l’époque, la Viola, qui vient à peine de vendre Roberto Baggio à la Juventus de Turin, traverse une période noire en championnat mais parvient à réaliser quelques belles campagnes européennes. Batistuta, qui vient d’honorer ses premières sélections en équipe nationale d’Argentine avec un titre en Copa América à la clé, accepte le défi mais son intégration au club reste très lente. Les résultats de la Fio sont de plus en plus irréguliers et le club à la fleur de lys coule peu à peu : en 1993, il descend même en Serie B. « Batigol », qui s’affirme peu à peu, décide, malgré cette humiliation, de rester sur les bords de l’Arno.
Grand bien lui en prend. Non seulement, au bout d’une saison au purgatoire, la Viola remonte au sein de l’élite, mais en plus de cela, Batistuta va disputer le Mondial 1994 aux Etats-Unis avec l’Argentine. Si l’aventure s’arrête en huitièmes de finale, à cause de la suspension de Diego Maradona pour usage d’éphédrine, le buteur a le temps d’inscrire quatre unités en phase de poules. Et, par la même occasion, se révèle aux yeux du monde entier comme le plus grand talent du football argentin de l’époque.
De retour sur le vieux continent, Batistuta empile les buts, faisant preuve d’un opportunisme sans faille, et enchaîne les matchs, forçant ses genoux affaiblis à subir de multiples infiltrations. Le colosse cache pourtant bien cette fragilité : meilleur buteur de la Serie A en 1994/1995 avec 26 pions, il réalise de grandes campagnes en coupes, à la fois nationales (1996) et européennes (Coupe des Coupes 1997). Retenu à chaque mercato par ses dirigeants, il devient une légende vivante à Florence. En 1998, c’est un joueur confirmé qui dispute la Coupe du monde en France : les Argentins sont éliminés en quarts par les Pays-Bas avec un superbe but de Dennis Bergkamp, mais « Batigol » se distingue avec 5 unités marquées, ce qui fait de lui le deuxième meilleur buteur de la compétition derrière Davor Suker.
Parvenu à la quatrième place du Ballon d’Or en 1999, le Florentin réalise cette année-là une belle épopée en Ligue des Champions, mais cela ne lui suffit plus : alors qu’il franchit le cap de la trentaine, il n’a toujours pas gagné le scudetto. A l’été 2000, Batistuta, devenu meilleur buteur de l’histoire du club, sent qu’il a rempli sa mission et a des envies d’ailleurs. L’Inter et la Lazio le draguent mais la Roma a le dernier mot. Le montant du transfert dépasse les 60 milliards de lires italiennes (30 millions d’euros). A Rome, l’Argentin est l’ultime rouage d’une immense machine de guerre qui écrase tout son passage. Auteur de 20 buts, il va entrer dans la légende avec une superbe réalisation… contre la Fiorentina. En mai 2001, la Louve et Batistuta obtiennent enfin le sacre national.
La saison suivante est nettement moins satisfaisante pour « Batigol », qui souffre de blessures récurrentes et n’inscrira que 6 buts en une vingtaine de rencontres de Serie A. Marcelo Bielsa, sélectionneur national, le convoque pour disputer la Coupe du monde 2002 : il inscrit un ultime but face au Nigeria, dans une phase de poules de laquelle l’Albiceleste ne parviendra pas à s’extirper, portant son total à 10 buts en Coupe du monde. Dans la foulée, l’athlétique (1,85 m) buteur part à l’Inter, avant de quitter l’Italie et de s’envoler pour Al-Arabi au Qatar quelques mois plus tard. Il raccrochera les crampons en 2005, après avoir terminé meilleur scoreur du championnat qatari.
Aujourd’hui, Gabriel Batistuta est un homme épanoui : ambassadeur de la Fiorentina, il passe désormais du bon temps auprès de sa famille. Une retraite qui n’a pas été de tout repos, car ses douleurs au genou l’ont fait souffrir à un tel point qu’il a même songé à se faire amputer, et qu’il lui serait actuellement très difficile de tenir longtemps debout. Des problèmes qui ne l’ont pas abattu. Comme lorsqu’un jour de mai 1993, il a été rétrogradé en Serie B avec la Fiorentina…
© Flickr – Nghị Trần / Sébastien Girard / Roberto Vicario
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