La chair de sa chair

Une très belle jeune femme, de Julian Lopez, évoque la dictature en Argentine à travers la relation fusionnelle entre un petit garçon et sa mère.

Une très belle jeune femme (Una muchacha muy bella), de Julian Lopez, traduit de l’espagnol (Argentine) par Roland Faye, Christian Bourgois, 176 p., 12 €.

Retenir. Suspendre le temps. Graver d’elle ce qui peut encore l’être avant qu’il ne soit trop tard. Comme le Marcel d’A la recherche du temps perdu, cherchant par tous les moyens à repousser l’heure du coucher, et le moment où sa mère s’arracherait à lui après l’avoir embrassé, le narrateur du premier roman de Julian Lopez lutte contre le sommeil qui dérobera la sienne à sa vue. « Je commençais à déployer une stratégie faite d’innombrables efforts pour ne pas m’endormir, je voulais être vivant pour ne rien laisser perdre de ce moment. Je ne pouvais guère bouger sans risquer de réveiller cette belle endormie, mais le gros plan sur ma mère en train de dormir, dont la proximité faisait une sorte de tableau cubiste à la Picasso, était pourtant quelque chose qui me rendait profondément heureux. Voir dormir ma mère était un bonheur total pour moi, mais je devais me tenir bien tranquille, attentif, éveillé. »

Cet amour inconditionnel pour une mère dont on pressent la disparition prochaine, le narrateur le raconte à travers les souvenirs précis de l’année de ses 7 ans. Nous sommes à Buenos Aires, à la veille du coup d’Etat de la junte militaire de 1976 qui ravira le pouvoir à Isabel Peron et rétablira la dictature. L’enfant vit avec cette « belle jeune femme » au caractère affirmé et à l’élégance...

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