Jorge González n'est pas ligérien, il est argentin jusqu'au bout des pinceaux et vit en Espagne depuis 18 ans, du côté de Barcelone. Alors pourquoi vous en parler me direz-vous ? Tout simplement parce que la culture n'a pas de frontière, parce que son livre disponible dans toutes les bonnes librairies est l'un des meilleurs de la rentrée, parce que nous avons eu la chance d'échanger avec lui sur la bande dessinée, l'art, la littérature, mais aussi et surtout sur l'Argentine, l'Espagne, les racines, la crise économique... Des thèmes universels donc que nous avons souhaité partager avec vous.
Mais d'abord, le livre, "Chère Patagonie". Difficile d'en synthétiser l'histoire. Sur près de 300 pages, Jorge González met en scène une mosaïque de vies à travers l'histoire de son pays d'origine et du territoire le plus austral de la planète : la Patagonie. On y croise des indiens, des colons, des missionnaires, des pionniers, des anarchistes, des commerçants... Vous évoquez le massacre du peuple indigène, le mouvement syndicalo-anarchiste, le massacre de Trelew, la répression de la junte militaire, le conflit mapuche et même les prémices du football... Quelle est votre intention initiale ? L'important pour vous est de raconter une fiction ancrée dans le réel ou de parler du réel à travers une fiction ?des indiens, des colons, des missionnaires, des pionniers, des anarchistes, des commerçants... Vous évoquez le massacre du peuple indigène, le mouvement syndicalo-anarchiste, le massacre de Trelew, la répression de la junte militaire, le conflit mapuche et même les prémices du football... Quelle est votre intention initiale ? L'important pour vous est de raconter une fiction ancrée dans le réel ou de parler du réel à travers une fiction ?des indiens, des colons, des missionnaires, des pionniers, des anarchistes, des commerçants... Vous évoquez le massacre du peuple indigène, le mouvement syndicalo-anarchiste, le massacre de Trelew, la répression de la junte militaire, le conflit mapuche et même les prémices du football... Quelle est votre intention initiale ? L'important pour vous est de raconter une fiction ancrée dans le réel ou de parler du réel à travers une fiction ?des indiens, des colons, des missionnaires, des pionniers, des anarchistes, des commerçants, tous pris dans le tourbillon de la vie, figurants ou acteurs du massacre du peuple indigène, de la répression de la junte militaire, du mouvement syndicalo-anarchiste, du massacre de Trelew ou encore du conflit mapuche.
Des ambiances sombres, inquiétantes, âpres, des influences à chercher du côté de Turner ou Rothko, un trait taillé dans le vif, spontané, laissant le droit à l'erreur, "Chère Patagonie" navigue entre la fiction et la réalité...
Jorge González. "Chère Patagonie", selon moi, est un album qui traverse un état d’âme, le mien, une manière de ressentir une atmosphère précise. Au fur et à mesure que l’album avance, la narration s’intensifie. J’essaie de l’amener vers des situations surréalistes (grâce à Hernán González) et de voir comment tout se pourrit et se complexifie. Elle se fait plus extrême, traverse le Buenos Aires de 2001, où n’importe quelle histoire devient possible [...] La réalité et la fiction s’entrelacent à tel point qu’elles se confondent [...] Tout découle de mes envies de décrire cette atmosphère intérieure qui m’accompagne. « Chère Patagonie » fut une intuition et un grand prétexte pour me raconter.
Justement... "Bandonéon" il y a deux ans, "Chère Patagonie" aujourd'hui, vos deux derniers livres publiés en France parlent de votre pays d'origine, l'Argentine, et de son histoire. Votre travail ne serait-il pas guidé par une certaine forme de nostalgie, de mélancolie ?
J.G. Il m'est impossible de ne pas ressentir, de ne pas réfléchir au lieu que j'ai quitté, à la vie que je ne vivrai jamais, du moins au quotidien. Résider dans un autre pays m'a, bien sûr, placé dans le rôle du spectateur vis-à-vis de mes racines et des racines des miens, et soudain je me suis vu fouiller là-dedans, à questionner mes vides. C'est un fantôme qui m'accompagne quotidiennement, la vie semble être un "non-lieu" et quand, en plus, tes repères se sont évaporés, tout devient plus complexe. De toute manière, avant d'arriver en Europe, je dirais même depuis mon enfance, j'ai une certaine facilité à fréquenter la mélancolie. Il y a une tristesse permanente qui circule autour des habitants de Buenos Aires et qui reste à jamais en eux.
Vous sentez-vous aujourd'hui plus Espagnol qu'Argentin ? Quel regard portez-vous sur votre pays d'accueil qui vit une crise économique sans précédent ?
J.G. Où que je vive, je ne cesse de me sentir Argentin, à ceci près, c'est vrai, que l'expérience de vivre dans un lieu qui n'est pas le tien te pousse à t'adapter et à développer d'autres aptitudes. C'est très étrange d'être dans un lieu que tu apprécies pour de nombreuses raisons, mais auquel tu n'appartiens pas. La langue aide à maintenir cette illusion. Au début, tu as l'impression que c'est un pays avec lequel tu as des points communs mais, après quelques mois, tu te découvres dans un monde très différent et dans un contexte européen dont tu sais peu de choses.
Je pense à toutes les crises que j'ai vécues dans mon pays et à toutes celles qu'a vécues l'Amérique latine : l'attitude face aux problèmes et la manière de les résoudre est toujours différente. Quoi qu'il en soit, chaque pays, chaque continent avance selon sa propre inertie. Et je ne crois pas qu'on regarde beaucoup autour pour apprendre, reprendre ou inventer d'autres chemins. L'Espagne doit trouver ses propres outils pour récupérer tout ce qu'elle est en train de perdre, peut-être devra-t-elle se briser, se rompre pour comprendre comment elle est arrivée là où elle en est arrivée...
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Merci à Jorge González. © toutes illustrations Jorge González / Dupuis.
Interview réalisée par mail en septembre 2012 par Eric Guillaud
Traduction de Danielle Beaudry, remerciements à Adriana
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