Jonathan Calleri jaune, et bleu

De nombreux joueurs sont souvent associés, voire réduits, à un but mythique qu’ils ont inscrit : Basile Boli et son coup de casque contre Milan, Alessandro Calori qui offre le titre à la Lazio en 2000, Francis Llacer et son incroyable reprise de volée contre Caen, Rogerio Ceni et ses penaltys. Le 18 juillet dernier, Jonathan Calleri est entré dans ce cercle, en inscrivant un but d’un improbable coup du foulard.

Si ces images ont fait le tour du monde, les émissaires des grands clubs européens n’ont pas attendu qu’il plante ce golazo pour suivre le natif de Buenos Aires. Après une excellente saison ponctuée par vingt et un buts et un titre de champion aux cotés de Carlos Tévez, Calleri devrait rejoindre l’Europe. Les prétendants se bousculent : Arsenal, Chelsea, Palerme et même Brighton and Hove Albion, club de Premiership, prêt à mettre dix millions d’euros sur la table des dirigeants de Boca. Problème, quelques vautours traînent autour de la pépite des Xeneizes. Un fond d’investissement s’est notamment manifesté pour acheter les droits du joueur. Qui doute de plus en plus sur sa continuité en Argentine.

De supporter d’All Boys…

Avant de devenir l’une des sensations de Primera División, Jony a longtemps squatté le banc de son club formateur. À All Boys, dans le quartier Floresta (centre-ouest de Buenos Aires), Calleri est un frêle attaquant, qui peine à s’imposer dans les divisions inférieures. Lors d’une interview pour NosDigital, l’intéressé raconte : «  Pendant trois ans, les entraîneurs m’ont ignoré. Je ne jouais pas parce que j’étais trop petit, pas assez rapide. Mais ils savaient que je pouvais grandir et progresser. Entre mes 13 et 16 ans, j’ai dû jouer cinq matchs.  » À ce moment-là, la pression familiale se fait ressentir. Puis vient même l’ultimatum qui effraie les nombreux aspirants à une carrière professionnelle : le foot ou les études. Sur les conseils de Pablo Dolce, alors entraîneur des jeunes d’All Boys, Calleri se rend chez Marcelo Roffe, psychologue du sport : «  J’avais des problèmes, mais je savais que c’était lié au football. Directement, il m’a dit "Ici, tu ne vas pas parler de ta famille", et ça m’a rassuré. Je suis devenu ami avec lui.  » Selon ses dires, Calleri apprend à «  patienter, à ne pas s’énerver et à gérer la pression  » . Et cela s’avérera décisif. Alors que son père, ancien footballeur, évoque un changement de club (au Club Deportivo Español), Jonathan grandit et convainc enfin les entraîneurs d’All Boys.

Le comportement exemplaire du gamin détonne : «  Pendant que mes potes sortaient avant les matchs, j’allais dormir comme un idiot. Je n’étais pas forcement bon, et ceux qui venaient de boire et danser l’étaient. Mais je savais que ça viendrait. À cet âge-là, j’avais un bon comportement et l’aide de mes parents. C’était bien plus important que ma manière de jouer  » , raconte Calleri. Alejandro Montenegro, son ancien entraîneur, se souvient d’un attaquant plus intelligent que talentueux : «  La différence entre lui et ses coéquipiers de l’époque, c’est la mentalité. Les autres étaient peut-être plus talentueux, mais lui savait comment le monde du football professionnel fonctionnait.  » Et d’ajouter : «  Il n’a pris qu’un seul carton rouge à All Boys. Il avait envoyé une grosse frappe sur l’arbitre qui lui avait annulé un but. Il avait pris dix matchs de suspension  » , se remémore Montenegro en riant. Alors qu’il se balade désormais dans les divisions inférieures d’All Boys, Calleri intègre l’équipe professionnelle en 2013. Une saison à cinq buts plus tard, et une offre d’environ un million d’euros en provenance de Boca Juniors arrive sur le bureau des dirigeants.

… à star de Boca Juniors

Si l’adaptation à l’un des clubs les plus populaires d’Argentine est compliquée, Calleri termine la saison avec dix-sept pions sous le maillot jaune et bleu. À Boca, on reste marqué par le passage éclair de Daniel Osvaldo. Jonathan Calleri est, lui, le principal bénéficiaire du fiasco du dernier mercato du champion d’Argentine. Les dirigeants se disent même prêts à donner une seconde chance au sosie de Johnny Depp, actuellement en galère sur le banc de Porto. Problème, Calleri se retrouverait certainement sur la touche : «  Je suis reconnaissant envers Dani, pour ce qu’il m’a enseigné durant ces six mois. Mais s’il vient, ce serait injuste qu’il y ait une place pour deux. C’est soit lui, soit moi. Je suis heureux ici, on verra ce qu’il se passe d’ici décembre  » , avance-t-il dans les colonnes d’Olé. Un léger coup de pression pour sa direction, avant un échange de tweets savoureux avec l’intéressé.

S’il est au fait que bon nombre de clubs européens s’intéressent à lui, Calleri reste très attaché à Boca Juniors : «  J’ai envie de jouer. Et j’ai la possibilité de le faire dans un grand club d’Europe. Ce serait une étape très importante de ma carrière. Mais je suis très heureux ici, je pourrais rester toute ma carrière dans un club comme Boca.  » Le buteur italo-argentin ajoute : «  La Serie A et la Premier League sont plus adaptées à mon jeu. Nous analysons les offres, il n’y a rien de décidé. Partir alors que Boca va jouer la Libertadores, ce serait moche.  » En Argentine, son duo avec Tévez restera dans les têtes des supporters de la Bombonera : «  Le premier semestre, j’ai peu joué. Ensuite, j’ai joué aux côtés de Carlos Tévez. Il ne parle pas beaucoup, mais je savais tout le temps ce qu’il allait faire avec le ballon. Je jouais pour lui.  » Deux joueurs venus de All Boys (actuellement en seconde division) qui restent très attachés au club : «  Jony, c’est surtout un supporter inconditionnel d’All Boys. Il vient souvent au stade, et en virage, pas en loge. Ce sont ses amis qui jouent, il va manger avec eux ensuite. Le club a connu une période difficile : pendant six mois, on ne gagnait pas. Il était comme un fou, il s’embrouillait avec ses amis. Mais il était toujours là  » , raconte Montenegro. Alors qu’il devait disputer le dernier match de l’année de Boca Juniors (un amical contre une équipe de la province de Chaco), Calleri s’est rendu en Italie avec son agent. Il devrait y obtenir un passeport communautaire afin de faciliter son futur transfert en Europe. Le gamin d’All Boys est prêt à conquérir le Vieux Continent. Jony B Good.

Propos recueillis par RC, sauf mentions
Par Ruben Curiel

Leave a Reply