Italie : l’encombrante dépouille du criminel de guerre nazi Erich …

Erich Priebke lors de son extradition d'Argentine vers l'Italie, en 1995.

L'Argentine, où il avait trouvé refuge avec son épouse sous l'identité d'un tranquille hôtelier à San Carlos de Bariloche, au sud-ouest de Buenos Aires, n'en veut pas ; Rome, où il fut rapatrié et condamné en 1998 à la réclusion à perpétuité pour sa participation au massacre des Fosses ardéatines en mars 1944, pas davantage.

Le Monde.fr a le plaisir de vous offrir la lecture de cet article habituellement réservé aux abonnés du Monde.fr.
Profitez de tous les articles réservés du Monde.fr en vous abonnant à partir de 1€ / mois | Découvrez l'édition abonnés

La dépouille mortelle de l'ancien capitaine SS Erich Priebke, mort vendredi 11 octobre à 100 ans bien sonnés, dans la capitale italienne où il vivait en résidence surveillée, n'a toujours pas trouvé sa dernière demeure.

"Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour empêcher l'inhumation d'Erich Priebke à Rome, a annoncé, dimanche 13 octobre, le maire de gauche fraîchement élu de la capitale italienne, Ignazio Marino. Ce serait une insulte pour la ville." De leur côté, les autorités catholiques affichent la même fermeté. "Aucune messe de funérailles n'est prévue dans une église de Rome pour Erich Priebke", a déclaré le porte-parole du vicariat de Rome.

Pourtant, son avocat, Paolo Giachini, notoirement proche de l'extrême droite, soutient qu'il a droit à des obsèques religieuses. "L'Eglise appartient aux fidèles, et Priebke était un fidèle", explique celui qui avait mis un appartement à disposition de son client dans le quartier Aurelio, à l'ouest de la Ville éternelle. Aucune paroisse de Rome, dimanche, ne semblait avoir reçu de demande de cérémonie.

Paolo Giachini, l'avocat d'Erich Priebke, le 11 octobre à Rome.

"Nous le ferons savoir dès que nous aurons reçu le permis d'inhumer, déclare encore son avocat. Seuls la famille et les amis proches y participeront." Selon les médias italiens, les obsèques devraient avoir lieu mardi 15 octobre, veille de la commémoration des 70 ans de la rafle du ghetto de Rome, le 16 octobre 1943. Le procureur et le préfet de la ville ont pris des mesures afin d'éviter d'ores et déjà toute manifestation à l'occasion de l'enterrement d'Erich Priebke, quel que soit l'endroit où il devrait avoir lieu. Une croix gammée et une inscription "honneur à Priebke" ont été découvertes, samedi, sur un mur, non loin de son habitation.

Pour les Italiens, le nom de cet ancien capitaine SS, né en juillet 1913 à Hennigsdorf (Allemagne), est lié à jamais à celui des Fosses ardéatines et à la mort de 335 otages en représailles à un attentat contre une colonne allemande, le 23 mars 1944. Herbert Kappler, commandant de la police militaire allemande à Rome, et Erich Priebke, son adjoint, désignent d'abord les condamnés à mort de la prison de Regina Coelli pour le peloton d'exécution.

Leur nombre étant insuffisant, ils y ajoutent plus de deux cents prisonniers, auxquels ils adjoindront encore 75 juifs arrêtés dans le ghetto. Le plus jeune a 15 ans. Tous seront systématiquement abattus d'une balle dans la tête le 24 mars. Dans la mémoire collective des Italiens, ce massacre de sang-froid résonne encore comme un Oradour-sur-Glane transalpin.

"IRRESPONSABILITÉ"

A la fin de la guerre, Herbert Kappler est arrêté par les Britanniques, puis remis aux autorités italiennes en 1947, qui le condamnent à la prison à vie. Mais, en 1977, malade d'un cancer, il profite d'une hospitalisation pour s'évader. Il meurt l'année suivante en Allemagne. Erich Priebke, lui, s'enfuit en Amérique du Sud où, en 1991, des journalistes de la chaîne de télévision américaine ABC le retrouvent en Patagonie. Il est extradé en 1995 en Italie.

Au cours de ses procès, le "boucher des Fosses ardéatines", comme il était surnommé, n'a jamais manifesté le moindre remords, se refusant, disait-il, "d'échanger dignité contre une exhibition publique de repentance". Il se décrivait en exécutant zélé des ordres d'Hitler et de Berlin, plaidant "l'irresponsabilité".

Dans un entretien accordé pour ses 100 ans à la chaîne de télévision italienne TGcom, il reprenait encore les thèses révisionnistes sur l'existence des chambres à gaz. "J'attends toujours les preuves", disait-il. "Ceux qui sont morts aux Fosses ardéatines sont des anges, a réagi Riccardo Pacifici, le président de la communauté juive de Rome. Ils s'occuperont de Priebke pour l'éternité."

Open bundled references in tabs:

Leave a Reply