Interview de Gonzalo Tobal

CINEMAPOLIS  : C’est une histoire totalement fictive ou il y a une part d’autobiographie ?

GT  : Les 2. Enfin non, c’est une fiction mais avec beaucoup de choses personnelles dedans. Quand j’ai commencé à l’écrire, j’étais ici à Paris et j’ai appris le décès de mon père en Argentine. Donc je n’ai pas pu rentrer pour l’enterrement. En fait beaucoup de sentiments par lesquels passent les personnages étaient les miens aussi à l’époque. Je dirais donc qu’il y a une inspiration autobiographique mais l’histoire en elle-même est purement fictive.

CINEMAPOLIS  : Vous vous sentez plus proche d’Esteban ou de Pipa ?

GT  : Les 2. Je crois que j’ai une part des 2.

CINEMAPOLIS  : On dit souvent qu’un réalisateur, pour son 1er film, met beaucoup de lui-même. A la fois parce qu’il faut beaucoup de persévérance pour y arriver, à la fois parce qu’il n’est pas sûr d’en faire un 2nd.

GT  : Non, j’ai mis toute mon énergie dedans, mais pas toutes mes idées ; je ne crois pas que ça ferait un bon film.

CINEMAPOLIS  : Votre film parle de ces adultes qui refusent de grandir. En France, on dit « adulescent ». C’était important pour vous ce thème ?

GT  : Oui, c’est très présent dans le film. En un sens, ce film est comme un adieu tardif à la jeunesse et à l’enfance. C’est quelque chose qui reflète beaucoup la réalité actuelle. Je crois que c’est très important. Pipa et Esteban sont des adulescents. (rires)

CINEMAPOLIS  : C’est curieux que ce soit Pipa qui raconte l’histoire de Villegas parce qu’on le pense forcément moins cultivé que les autres.

GT  : Oui, c’était quelque chose qui comptait pour moi. Je voulais pas qu’il soit comme, justement, un adulescent toujours défoncé. Il y a beaucoup de films en Argentine qui montrent les jeunes, toujours défoncés, toujours un peu stupides. Je voulais m’éloigner de ça. Je voulais décrire un personnage dont le problème n’est pas qu’il manque d’énergie ou qui n’a aucun intérêt. Au contraire, Il a beaucoup d’énergie, de centre d’intérêts dans la vie, mais il ne sait pas comment tirer quelque chose de concret de tout ça, ou qui ait une valeur sociale. Beaucoup de jeunes de notre génération sont dans cette problématique. Il y a un manque d’idéal, de cause pour laquelle se battre, qui donne du sens à sa vie. Les générations précédentes en ont eues. Il a beaucoup d’idées mais il ne sait pas quoi en faire et il voit qu’il vieillit.

CINEMAPOLIS  : Vous diriez que Pipa se sent coupable de ne pas être Esteban ?

GT  : Je ne crois pas que « coupable » soit le mot. Mais ils ont tous les deux une admiration réciproque dans une certaine mesure. Pipa, après la dispute déteste ce qu’il est, mais, en même temps, Esteban aussi : il envie quelque part Pipa, qui est libre, qui fait ce qu’il veut. Il est bousculé, ça l’interroge. Je crois que les 2 personnages ressentent ça.

CINEMAPOLIS  : Comment est-ce que vous vous voyez dans le paysage cinématographique argentin ?

GT  : Un lutteur, qui bataille comme il peut pour faire ses films le mieux possible.

CINEMAPOLIS  : Vous vous sentez proche d’autres cinéastes argentins ?

GT  : Certains d’entre eux. Lisandro Alonso, Lucrecia Martel. Mais j’essaie de trouver mon propre univers. Il y a beaucoup de styles différents en Argentine, c’est un cinéma riche, c’est très bien.

CINEMAPOLIS  : Vous pouvez me rappeler la recette des pâtes ? Ils mangent des pâtes étranges...

GT  : (rires) Au boudin.

CINEMAPOLIS  : Oui, en fait, j’étais pas sûr à cause de la traduction. Je me disais « est-ce que c’est vraiment ça qu’ils disent dans la V.O ? »

GT  : Mais, ça aussi c’est inspiré d’un vrai endroit.

CINEMAPOLIS  : Merci à vous !

Nous tenons à remercier Gonzalo Tobal pour sa disponibilité, Claire Viroulaud et Anne-Lise de Ciné-Sud Promotion, ainsi qu’Epicentre Films.

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