Hoax : non, il ne fait pas plus chaud en Antarctique qu’à Nice

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L'information fait le tour du Web depuis quelques jours : l'Antarctique aurait connu, mardi 24 mars, sa journée la plus chaude de l'histoire avec pas moins de 17,5 °C enregistrés dans la station de recherche argentine Esperanza, selon le site de météorologie Weather Underground. Il a fait plus chaud ce jour-là sur le continent de glace du pôle Sud qu'à Paris, et même qu'à Nice, Marrakech, Athènes ou Alger, avance Le Parisien, qui va jusqu'à demander si « dans les décennies à venir, les touristes [se rendront] en Antarctique avec maillot de bain et crème solaire ». On en est loin...

Esperanza

Le précédent record date d'avril 1961 lorsque 17,1 °C avaient été enregistrés sur la même base de recherche, rappelle Weather Underground. L'organisation météorologique mondiale n'a toutefois pas validé ce pic de température et parle, elle, d'un maximum de 15 °C en mai 1974 à la station Vanda, plus au sud du continent.

En réalité, cette information masque des conditions climatiques en Antarctique bien plus complexes et pas encore totalement connues des scientifiques. Tout d'abord, la station de recherche Esperanza, de même que celle Marambio, qui a également enregistré 17,4 °C le 23 mars, sont situées à l'extrême pointe de la péninsule antarctique, à quelque 1 000 km du sud de l'Argentine et du Chili. Elles ne sont pas considérées par les scientifiques comme faisant à proprement parler du continent glacé. Car même si elles y sont rattachées, elles se situent au-delà du cercle polaire antarctique (avec une latitude de 63°23′59″ Sud).

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« Cette base n'est pas représentative du continent antarctique. C'est comme si on parlait de la température du cap Nord ou de la pointe de la Sicile pour illustrer celle de l'Europe, s'amuse Gerhard Krinner, climatologue au Laboratoire de glaciologie et de géophysique de l'environnement (LGGE, rattaché au CNRS et à l'université Joseph-Fourier de Grenoble). Sans compter qu'un record de chaleur isolé ne veut rien dire en termes d'évolution du climat à moyen et à long termes : c'est l'augmentation de la fréquence des maxima qui est indicative d'un réchauffement. »

Et en matière de réchauffement, la situation est contrastée en Antarctique. La péninsule antarctique se réchauffe effectivement très rapidement depuis cinquante ans, de même que le centre-ouest du continent. Une étude publiée en 2012 dans Nature Geoscience concluait ainsi à une hausse de 2,4 °C du thermomètre entre 1958 et 2012 dans cette région autour de la base Byrd, tout en soulignant la marge d'incertitude liée au faible nombre de stations de recherche vers l'intérieur des terres.

A l'opposé, toute la partie est du continent antarctique, où se trouvent les stations françaises, ne s'est pas réchauffée et connaît même une légère tendance au refroidissement. « Sur les hauts plateaux, notamment près de Vostok ou Dôme-C, la température annuelle moyenne descend entre − 50 et − 60 °C. En mars, à la fin de l'été, il fait encore autour de − 30 °C, explique Dominique Raynaud, glaciologue et paléoclimatologue CNRS/LGGE. On n'est pas encore sûrs que l'Antarctique soit, dans son ensemble, particulièrement sensible au réchauffement climatique, contrairement au Groenland. »

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En revanche, les océans se sont beaucoup réchauffés cette dernière décennie sous l'effet du changement climatique. Ce qui pourrait malgré tout déstabiliser une partie de l'Antarctique à plus long terme. Car si la tendance est à l'extension de la banquise à l'est du continent, à l'ouest, on assiste à de véritables dislocations, irréversibles, de certaines plateformes de la péninsule antarctique. Selon une étude publiée dans Science le 26 mars, l'épaisseur de ces plateformes de glace (ice shelvess'est réduite jusqu'à 18 % à certains endroits ces deux dernières décennies et ce phénomène s'accélère.

Or, ces barrières de glace permanentes, qui mesurent en moyenne de 400 à 500 mètres d'épaisseur et peuvent s'étendre sur des centaines de kilomètres, agissent comme un rempart contre l'effondrement des glaciers permanents recouvrant ce continent.

« La dislocation d'une plateforme sous l’effet d’un réchauffement climatique peut contribuer de façon majeure à la hausse du niveau de la mer en provoquant l'accélération de l'écoulement des glaciers en amont, assure Dominique Raynaud. Si toutes les immenses plateformes, qui aujourd'hui stabilisent l’Antarctique de l’ouest, se disloquaient, à moyen ou long terme le niveau de la mer pourrait s'élever de 5 mètres. » Une autre ampleur, donc, qu'un record de température. Mais cela dans des siècles voire des millénaires.

Audrey Garric

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Photos : AP Photo/Natacha Pisarenko et FP PHOTO / AUSTRALIAN ANTARCTIC DIVISION



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