Un procureur accusant Cristina Kirchner d'avoir couvert Téhéran dans l'attentat antijuif qui avait fait 85 morts en 1994 a été retrouvé mort dans son appartement, une balle dans la tête, alors qu'il devait faire le lendemain des révélations sur l'affaire devant le Congrès. La correspondante du Figaro à Buenos Aires,Alice Pouyat, a rapporté à ce propos:
Ce décès est un choc car il intervient à la veille d'un jour clé: le procureur devait détailler lundi, devant le Congrès, des accusations très lourdes contre la présidente argentine et quatre de ses proches, dont le ministre des Affaires étrangères. Selon un document de 300 pages (dont seuls quelques détails ont été rendus publics jusqu'ici car y apparaît le nom d'agents des services de renseignement), l'administration de Cristina Kirchner1 a tenté d'occulter la responsabilité de l'Iran dans l'attentat de 1994.
Cet attentat antisémite, le plus grave qu'a connu le pays, a traumatisé la communauté juive d'Argentine, la plus importante d'Amérique latine. «Aujourd'hui, la bombe de l'Amia a éclaté à nouveau», a réagi lundi Julio Schlosser, président de la Délégation des associations israélites argentines.
Les zones d'ombres des institutions argentines
Plus largement, cette affaire inquiète tout le pays car elle met en évidence les zones d'ombre des institutions. En dépit de vingt ans d'investigations, l'affaire, qui a connu de nombreux rebondissements, n'a jamais été résolue. Un juge a été destitué et un ex-président a été mis en examen pour irrégularité dans l'enquête. Une piste locale a longtemps été évoquée, puis écartée.
Selon ¬Nisman, le gouvernement aurait tenté de dédouaner l'Iran pour s'assurer du pétrole à bon prix, en échange de céréales.
La semaine dernière, nouveau rebondissement: Alberto Nisman affirme être en possession d'écoutes téléphoniques qui montreraient que l'administration Kirchner a «négocié» l'impunité de terroristes iraniens. En 2006, un mandat d'arrêt international avait été lancé à l'encontre de cinq ex-membres du pouvoir iranien. Mais, en 2013, le gouvernement Kirchner conclut un accord avec Téhéran pour créer ensemble une «commission de la vérité», très critiquée par ceux qui estimaient qu'elle allait à l'encontre de l'indépendance de l'enquête argentine2. Selon Nisman, le gouvernement aurait tenté de couvrir l'Iran pour s'assurer du pétrole à bon prix, en échange de céréales.
Depuis le début, le gouvernement réfute les accusations et crie au complot destiné à «le destituer». À quelques mois de l'élection présidentielle d'octobre 2015, la justice multiplie enquêtes et révélations contre Cristina Kirchner, dont le mandat n'est pas renouvelable. L'audition devant le Congrès était censée éclaircir ces accusations. Une enquête est donc ouverte pour faire la lumière sur la mort de Nisman et déterminer s'il s'agit d'un suicide ou d'un assassinat. Dimanche, ses gardes du corps, qui devaient venir le chercher, ont trouvé la porte de son appartement fermée à clé de l'intérieur. Le corps gisait dans la salle de bains. À côté de lui, un calibre 22. La semaine passée, Nisman avait confié au journal Clarín qu'il redoutait de trouver la mort dans cette affaire3.