Eva Perón revient troubler le jeu électoral avec un billet de banque

«Volveré y seré millones» («je reviendrai et je serai des millions»), aurait lancé peu avant sa mort la célèbre Eva Perón, femme du défunt dictateur et idole des pauvres. Elle ne pensait pas si bien dire. Soixante et un ans plus tard, «Evita» déchaîne les polémiques avec un billet de banque à son effigie de 100 pesos (14,1 euros au cours officiel) qui a la plus haute valeur. Lancé le 26 juillet 2012, lors des cérémonies pour l’anniversaire de sa mort, il était censé remplacer l’ancien, représentant le président Julio Argentino Roca, qui colonisa dans le sang le sud du pays à la fin du XIXe siècle. Mais une erreur de conception du billet l’a tout d’abord rendu incompatible avec les distributeurs automatiques, générant une vague de suspicion parmi la population. Un an après son apparition, de nombreux commerçants refusent toujours de l’accepter, arguant ne pas savoir identifier les vrais des possibles faux.

En début de semaine, la banque centrale a émis un communiqué menaçant de sanctions ceux qui ne l’acceptent pas. Un numéro vert ainsi qu’un compte mail ont été mis en place pour dénoncer les contrevenants. La présidente argentine, Cristina Fernández de Kirchner, a défendu elle-même le billet à la gloire de l’icône péroniste via Twitter, rappelant qu’il avait gagné le prix du meilleur billet de la région lors de la conférence latino-américaine d’imprimerie de haute sécurité, qui a eu lieu en début de semaine en Colombie. La Présidente a fait du nouveau billet un symbole de sa politique et de la polarisation très forte du pays, à l’approche des élections législatives d’octobre.

Dans un discours prononcé le 30 juin, elle affirmait, en référence aux critiques de l’opposition : «Ils prétendent que le nouveau billet ne rentre pas, qu’il est trop petit, qu’il ne passe pas, que son œil, que ci, que ça… Mais ça n’est pas le billet le problème, on sait bien ce que c’est : c’est Evita et c’est nous, voilà la vérité. Ce qui les dérange, c’est Evita.»

Aux antipodes de la défiance de certains Argentins, les supporteurs de la présidente argentine célèbrent le billet avec emphase. Perón Perón, un restaurant branché à la thématique péroniste situé dans Palermo, le quartier bohème de Buenos Aires, a ainsi publié un communiqué : «Ailleurs, on ne te l’accepte pas ? Pour nous, il vaut encore plus ! On te le prend comme s’il valait 110 pesos !» Pour l’instant, le billet Evita ne représente que 2% des 2,15 milliards de coupures de 100 pesos.

Loin des considérations politiques locales, les touristes y voient un souvenir de vacances, au même titre que les tee-shirts, assiettes et autres bimbeloteries à l’effigie de la pasionaria argentine, décidément récupérée à toutes les sauces.

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