« El Clan » : fin de règne en Argentine

Au début des années 1980, Alejandro, joueur de rugby admiré, évolue dans l’équipe nationale des Pumas. Arquimedes, son père, est un homme respecté dans son quartier. Cependant, à côté de son petit commerce, il se livre à d’autres activités moins avouables. Il pratique l’enlèvement, la séquestration et l’extorsion. Une fois la rançon empochée, il a pour habitude d’assassiner ses victimes. Sa « gentille » famille au-dessus de tout soupçon est régulièrement mise à contribution. Arquimedes peut notamment compter sur le charme et la notoriété d’Alejandro pour attirer et rassurer ses proies.

Ecrit par Trapero lui-même, le scénario est adapté d’une série de crimes perpétrés à Buenos Aires entre 1982 et 1985. Cette affaire, qui défraya la chronique, continue de fasciner le public argentin : sorti l’été dernier, « El Clan » a battu un record en rassemblant dans son pays plus de 2 millions et demi de spectateurs. Baigné d’une épaisse lueur ébène, le film relève d’abord du bel ouvrage criminel. « El Clan » est astucieusement construit en flash-backs labyrinthiques. Son récit dessine une série de nœuds coulants qui rappellent les sinistres techniques d’enlèvement soigneusement appliquées par Arquimedes. Cette structure se traduit aussi par une mise en scène scandée de travellings sinueux, volontiers poussés par l’entêtant tube « Sunny Afternoon » et la voix insouciante des Kinks, qui implore « Help me… ».

Régime déchu

« El Clan » est par ailleurs un film historique et une réflexion politique intéressante. Ces crimes sont en effet ancrés dans un climat très particulier, rappelé au début du film : la déliquescence du régime militaire argentin. Dans ce contexte de démocratisation, Arquimedes, ancien homme de main du pouvoir, est en quelque sorte au chômage. Il ne fait que reproduire à l’échelle familiale les basses besognes qu’il effectuait pour la junte.

Vénéneux mélange de menace physique et de chantage affectif, l’emprise qu’il exerce sur ses enfants reflète celle du régime déchu sur son peuple. A travers un fait divers, « El Clan » raconte ainsi comment s’éteignent les dictatures. Les chefs finissent par mourir ou par quitter les palais sous les huées de la foule libérée. Cependant, ces régimes agonisent lentement. Et, bien après les autocrates, la peur et la violence coulent encore longtemps dans les contre-allées, comme des ruisseaux d’eaux polluées.


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