Diego Buonanotte : “je ne sais pas si je serai de nouveau heureux …

“Enano”, le nouveau Maradona” ?

L’histoire de Diego Mario Buonanotte Rende débute le 19 avril 1988 à Teodelina, dans la province de Santa Fe, lieu de naissance du bambino, argentin d’origine italienne de par la mama. De part son petit gabarit – 1m61 pour 57kg – il va vite être surnommé “Enano” (le nain) et grâce à une technique et une patte gauche au dessus de la moyenne il va attirer les comparaisons avec le plus illustres de ses prédécesseurs : Diego Armando Maradona. Le petit Diego fait ses premiers pas dans le monde du ballon rond au sein du club de sa ville natale, le Racing de Teodelina. El senor Hernandez, l’un de ses premiers éducateur se souvient : “quand il avait quatre ans, il jouait avec des enfants de six, sept, huit, et même jusqu’à dix ans ! A cinq ans, vous auriez vu comment il tirait du milieu du terrain, et qu’il la mettait dans la lucarne.” Ce petit bout d’argentin avait quelque chose en plus, quelque chose d’inné pour la pratique du football, de ces joueurs qui vous font vous hérisser les poils à chaque prise de balle, à chaque drible, à chaque accélération. A 11 ans, Diego rejoint le club de cœur du padre, de toute la famille Buonanotte et de la moitié de la population de Buenos Aires : River Plate via son centre de formation, usine à champions argentins. Quatre ans plus tard, une nouvelle étape l’attend, lorsqu’il quitte le cocon familial afin d’intégrer l’internat du centre de formation. Il va y connaitre quelques problèmes d’adaptation : comme beaucoup de jeunes de son âge, le jeune Diego a du mal à s’adapter à son nouvel environnement : changement de ville et due vie tout court, loin de sa famille et de ses parents avec qui il entretient une relation fusionnelle.  Sentant qu’elle tient là un futur crack, la direction du club va tout mettre en œuvre pour que son poulain se sente mieux, et elle va aller jusqu’à offrir un travail au papa de Diego au sein du club, gage de proximité avec Diego. Au final et grâce à cette initiative, c’est toute la petite famille qui va pouvoir quitter leur Teodelina d’origine pour aménager dans la capitale Buenos Aires, et ainsi soutenir leur joueur de fils . Et le retour sur investissement est quasi immédiat : l’année suivante, Diego Buonanotte est convoqué avec l’équipe d’Argentine des moins de 16 ans (U17), pour la Copa America de cette catégorie d’âge, qui se déroule sur le sol Paraguayen. Si le petit Diego n’est pas un titulaire en puissance, il prend place sur le banc mais participe activement à la compétition avec 5 entrées en jeu, à la place d’un certain…Sergio Aguero. Le 9 avril 2006, à seulement 17 ans, Enano effectue ses premier pas en équipe première de River, face à Instituto (victoire 3-1), en remplaçant une autre star actuelle de l’Albiceleste et du Napoli, Gonzalo Higuain. Ce sera sa seule rencontre avec les pros cette saison-là , mais les qualités de footballeur de Diego n’échappent pas à son entraineur Daniel Passarella bien décidé à ne pas griller sa petite merveille. A l’orée de la saison 2007, alors que Enano n’a que 19 ans, ce-dernier commence à l’installer dans le onze “blanco y sangre” et le titularise à de nombreuses reprises. Bien lui en a prit, puisque lors de son premier “Superclasico” contre Boca Junior, Buonanotte est étincelant, et River bat son rival 2-0 dans unMonumental en fusion. Le 30 septembre de la même année, il inscrit son premier but chez les pros contre Rosario Central. Un but qui allie sa technique délicieuse et sa frappe de balle, exceptionnelle pour un joueur aussi chétif à première vue,  puisqu’il élimine un joueur au niveau de l’angle gauche de la surface grâce à un drible chaloupé avant d’enchaîner une frappe sèche du gauche qui termine sa course dans la lucarne opposée.  L’année 2008 est sans doute la meilleure de la carrière d’Enano. River Plate gagne le championnat de clôture d’Argentine, et le joueur, 20 ans seulement, en est l’un des principaux acteurs. Au total,  il joue 25 matchs en tant que titulaires et inscrit pas moins de 11 buts ! Outre ces statistiques flatteuses pour un n°10, il apporte de la fluidité au jeu, de la vitesse, mais aussi un grain de folie à son équipe et devient alors le chouchou du Monumental qui n’a d’yeux que pour sa pépite. L’argentin est alors au sommet de son art dans une équipe qui semble imbattable au pays, emmenée également par Carlos Ortega ou Radamel Falcao et entrainés par Diego Simeone ! Ses performances ne passent pas inaperçues, puisqu’il est convoqué par le sélectionneur national, Sergio Batista, pour faire partie de l’équipe nationale envoyée aux Jeux Olympiques d’été de 2008 à Athènes. La-bas, il va gagner la médaille d’or, aux côtés de joeurs tels que Pablo Zabaleta, Angel Di Maria, Javier Mascherano, Sergio Agüero, Ezequiel Lavezzi et autres Lionel Messi pour ne citer qu’eux. Il va même réussir à attirer la lumière sur lui malgré cette pléiade de stars lorsqu’il marque lors des phases de poules, un coup-franc de tout beauté face à la Serbie. En 2009, le départ du coach Diego Simeone de River se fait ressentir, et l’équipe n’est plus aussi étincelante que la saison passée : elle termine seulement 14e avec 21 petits points, 20 longueurs derrière le champion Banfield ! A l’image de son équipe, Diego est inconstant, mais Sergio Batista le sélectionne quand même avec l’Argentine moins de 21 ans pour disputer le Festival Espoir de Toulon. Choix judicieux puisque si l’Argentine est éliminé en demi-finale face à la France (1-1, 3-1 T.a.B), Enano réalise un excellent tournoi : il finit meilleur buteur – 4 buts – et est élu meilleur joueur de la compétition : l’Europe découvre celui qu’elle compare déjà à un autre Diego : Maradona.

Noël 2009, le tournant d’une vie 

Comme toujours ou presque, c’est dans des moments où tout va bien que le pire va arriver. Et comme si c’était un signe du destin, cela se passe du côté de Teodelina, sa ville natale. Noël 2009; lors de la nuit du 25 au 26 décembre, le joueur est en discothèque avec des amis d’enfance, qu’il est heureux de retrouver pour la période des fêtes. Lors de leur départ de la boîte, il tombe une pluie torrentielle et la route est détrempée. 6h45 heure locale, le drame se produit : Diego Buonanotte, qui est au volant, perd le contrôle de sa voiture, une Peugeot 307, qui fonce tout droit dans un arbre. Il en ressort mal en point, avec de multiples fractures – humérus, clavicule – ainsi q’u un poumon perforé. Quand à ses trois amis, qui n’avaient pas mis eux leurs ceintures de sécurité, ils sont morts sur le coup. L’enquête va révéler une vitesse trop excessive, mais le joueur n’était pas sous l’emprise ni de l’alcool ni de tout autre substance toxique, et la Cour va le déclarer non-responsable de la mort de ses amis. De cette tragédie, l’Argentin va avoir – beaucoup – de mal à s’en remettre, tant sur le plan physique que sur le plan moral. Il va d’ailleurs à partir de cette période être suivi psychologiquement par des spécialistes de manière hebdomadaire, et ne va malheureusement pas non plus réussir à retrouver le niveau de jeu qui était le sien d’avant l’accident. Cependant, le joueur va pouvoir compter compter sur le soutien de son club et des supporters de River : pour preuve une chanson sera même écrite et enregistrée en son honneur – “Una gambeta mas” (Un drible de plus) – et chantée dans les travées du Monumental à chaque rencontre à domicile.  Oui mais voila, le jeune homme et le joueur ne sont plus du tout les mêmes, plus que l’ombre du fuoriclasse qui mena River au titre national, et la pâle copie du jeune homme plein de joie de vivre qu’il était.

Perdu pour le foot de haut niveau ?

L’Europe ne va pas se rendre tout de suite compte des séquelles laissées par l’accident sur le garçon, et une bagatelle de clubs essayent de l’attirer dans ses filets. C’est le “Málaga nouveau”, celui du nouveau président richissime Abdullah ben Nasser Al Thani qui rafle la mise et pose un chèque de 5 millions d’euros sur le bureau de River. Un futur crack argentin, ça fait rêver. Sauf que Enano n’est plus le même depuis cette triste nuit de Noël. Il raconte à l’époque “des fois, j’ai des gros coups de déprime, puis après ça va mieux parce que mes deux enfants sont la plus belle chose qui me soit arrivée après cette horrible soirée. Aujourd’hui, je vis pour eux. Le football n’est plus ma priorité. Je ne sais pas si je serai de nouveau heureux un jour, mais je ferai tout pour que mes gamins le soient”. L’expérience andalouse est un échec sportif total, pour ne pas dire un fiasco, tout comme son transfert à Grenade. Trois saisons en Liga avec deux buts en tout et pour tout… Le crack Buonanotte est un flop, et le joueur quitte l’Europe par la petite porte en 2014 pour rejoindre “son” Amérique du Sud et le club mexicain de Pachuca, où on lui vend des conditions de vie idéales pour lui et les siens. Encore raté. Une explication ? ”À Pachuca, nos deux attaquants s’étaient blessés. L’entraîneur pouvait en faire venir un autre, mais pour cela il fallait virer un étranger qui n’était pas prioritaire parce que le mercato mexicain était terminé. J’étais le seul dans ce cas, donc c’est moi qui ai sauté. Dans le football, tu ne peux faire confiance à personne”. Six mois après son arrivée, il rentre en Argentine pour retrouver toute sa famille, malgré des offres économiques autrement plus alléchantes ailleurs, le joueur a besoin de rentrer à la maison : “j’avais des propositions de partout, en Équateur, aux États-Unis. Quand j’étais petit, je voulais jouer en Europe et gagner du fric. Maintenant, je ne pense plus comme ça”.Diego choisit de rentrer au bled avec la tranquillité d’un club sans pression médiatique et populaire : Quilmes, équipe de la banlieue sud de Buenos Aires, habituée à se battre pour le maintien. Starlette à 20 ans, il fait tout désormais pour éviter les projecteurs. «  Je ne tiens pas à redevenir celui d’avant, celui des publicités et de la célébrité. Me sentir bien me suffit largement. Il n’est pas nécessaire de mettre dix buts et d’être la vedette pour être heureux.  ». Malheureusement, outre deux-trois fulgurances qui nous montrèrent que la patte gauche est toujours présente, Enano déçoit encore, est souvent blessé, et ne joue que 12 matchs au cours de la saison 2014-2015. Son contrat n’est pas reconduit et il se retrouve au chômage. On le pense alors perdu pour le foot de haut niveau car plus personne ne veut du fantôme du joueur qu’il a été.  Pourtant à 27 ans, l’intéressé y croit encore : “j’espère que la vie m’offre une seconde chance.” Un nouveau challenge, une dernière chance. Alors que plus personne n’y croit, il prend tout le monde de court et fait son retour sur le vieux continent et s’engage avec….l’AEK Athènes, dont l’histoire ressemble un peu à la sienne : ancienne légende grecque, le club se relève tout doucement d’une double rétrogradation financière et retrouve l’élite. Une coup d’œil du destin ?

La renaissance à l’AEK Athènes ?

Dans un pays où le pied-balle déchaîne les passions, la chute d’un club de l’acabit de l’AEK Athènes eu du mal à passer :  « pays vient de perdre le troisième meilleur club de son histoire  » : 11 titres de champion en Super League, 14 Coupes de Grèce, 54 saisons consécutives dans l’élite. Seuls les géants de l’Olympe – l’Olympiakos, le Panathinaikos et la PAOK – en ont fait autant. En somme, c’est un monument du football hellène qui fut rétrogradé de l’élite, cette saison. La faute à la crise, forcément. Une hypothèse facile dans un bled où la dette publique dépasse les 150% du PIB et où la populace est indisposée (ou inapte) à payer ses créances. Le football, contrairement à ce que diront certains, n’est pas immunisé contre la crise. Les supporters, eux aussi, agonisent. «  Le prix des billets a été considérablement réduit, parce que les fans n’ont en pas les moyens  » , explique Lienen. Et malgré les concessions de l’AEK, les travées du Stade Spyrídon Loúis d’Athènes n’auront jamais été aussi désertes : en 2012/2013, l’année de la rétrogradation, l’ affluence moyenne est de 9000 personnes dans une stade d’une capacité totale de…70 000 ! Le stade olympique, les Ultras n’en veulent plus : trop cher, tout comme le très “tape-à-l’œil” centre d’entraînement de Spata. Une propriété de Nicholas Notias – lui-même propriétaire de l’AEK – pour laquelle le club débourse la coquette somme d’1,1 million d’euros par an. Le 14 décembre 2012 c’en est trop : l’Original 21, principal groupe d’ultras de l’AEK, passe à l’acte. Le complexe de Spata est assiégé au motif que “l’idée même que l’AEK est en train de mourir” . Sont réclamés l’abandon du centre et du stade et un déménagement au Georgios Kamarasau, au nord d’Athènes, arène occupée par l’Apollon Smyrnis, club de d’Ethniki B (D2). L’AEK n’accèdera pas à la demande. Le divorce entre la direction du club et ses supporters est entamé. Un crève-cœur pour Lienen : “ce sont des gens qui donnent leur vie pour le club. Qui eux-mêmes n’ont pas d’argent et qui essayent malgré tout de nous suivre n’importe où”. Billets bradés, supporters pauvres, ultras qui boycottent… L’AEK perd gros sur son chiffre d’affaires. Et ses dettes n’arrangent rien. Les revenus publicitaires et les royalties télévisuelles sont automatiquement sucrées par l’Etat – principal bailleur de fonds du club, un comble pour un pays au bord du gouffre – et les banques. Bref, le Dikefalos Aetos ne génère plus un rond, et son déficit se creuse : 35 millions d’euros au début de l’année 2013. Le Trésor public réclame des têtes. C’est celle d’Andreas Dimitrelos, président du club, qui sautera courant mars. Le dirigeant est alors arrêté par l’Inspection des finances de la police d’Attique (région d’Athènes). Motif : l’AEK doit 170 865 122 euros (!!!) au fisc grec. Dans cet imbroglio fiscal, Dimitrelos n’est qu’une tête de Turc, assure Kefalas. ”Ce sont les précédents propriétaires qui sont à blâmer, peste le journaliste. Ils ont essayé de se faire de l’argent grâce au club. Ils en ont déboursé trop et ont laissé le club couvert de dettes. Dans cette histoire, l’AEK est une victime”. Sa situation financière demeurant toujours catastrophique, le club demande le 14 mai 2013 à être déclaré en état d’insolvabilité et renonce à participer à la prochaine saison de Division 2. Repris par l’un de ses anciens présidents, Dimitris Melissanidis – homme d’affaire Grec fondateur et dirigeant de Aegean Marine Petroleum qui est le plus grand fournisseur indépendant de carburant dans le monde; c’est également l’actionnaire majoritaire de OPAP société grecque de loterie numérique et paris sportifs – l’AEK est reconstitué sous la forme d’un club amateur qui va disputer la saison 2013-2014 en…Division 3 ! Au terme de la saison, l’ AEK obtient sa montée en D2 et entame la suivante avec l’ambition de retrouver l’élite dès l’année suivante, ce qu’il va faire en terminant la saison régulière 2014/2015 invaincu (!) avec 22 victoires et 2 matchs nuls (+ 57 de différence). L’histoire est alors en marche, et le renouveau de ce club mythique s’accompagne de la construction d’une nouvelle enceinte le Agia Sofia Stadium, à l’ancien emplacement du stade historique de l’AEK, le Nikos Goumas Stadium. Cette enceinte multifonctionnelle aura une capacité de 32 000 places assises et tout le confort nécessaire pour en faire un stade 4 étoiles selon les normes de l’UEFA. Véritable petite ville à elle seule, elle comprendra entre autre: 40 loges, 2 club VIP “Vassos Hajioannou” et “Aristote Onassis”, une boutique officielle, le musée de l’histoire d’AEK et des réfugiers grecques d’Asie Mineure, un restaurant panoramique, un barbier et un café traditionnel, un spa avec hammam, sauna, piscine et même une petite église dédiée à Hosios Loukas en l’honneur de l’ancien président d’AEK, Loukas Barlos. C’est tout ce projet qui a sans soute séduit Diego Buonanotte, qui a débarqué en SuperLeague pour se refaire un nom sur l’échiquier du football professionnel. Et fort est à constater que les débuts d’Enano sont plus que prometteurs : dans le sillage d’un AEK Athènes bluffant – les jaunes et noirs sont second du championnat derrière l’intouchable Olympiakos après 12 journées – Diego réussit le meilleur début de saison de sa carrière depuis 2008 : 12 matchs et 3 buts en championnat, auxquels il faut ajouter 2 buts en Coupe de Grèce. Mais surtout le jeune homme semble à nouveau sourire sur un terrain, et semble profiter de l’inconditionnel amour des Ultras de l’AEK, qui le considèrent déjà comme le messie. Sans majuscule et avec un “e” certes, mais quand on sait d’où Diego vient, c’est déjà un miracle.

 

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