Comment Gallardo, élève de Bielsa, est devenu l’entraîneur à la …

Pas une ride, pas un kilo superflu et toujours ce visage d’ange. Marcelo Gallardo n’a pas changé depuis sa période meneur de jeu. Mais aujourd’hui, c’est sur le banc qu’il fait parler de lui. Depuis quelques mois, une "Gallardomania" s’est même installée dans le pays où le football coule dans les veines de 40 millions d’Argentins. Car, depuis qu’il a remplacé Ramon Diaz au poste d’entraîneur de River Plate (le 7 Juin 2014), son équipe invincible séduit et elle est confortablement installée en tête du championnat argentin. Les médias, les supporters "millonarios" (de River Plate) lui promettent même un futur radieux, une brillante carrière à un poste où personne ne l’attendait.

Premier poste, premier titre

Durant sa carrière de footballeur, Marcelo Gallardo n’a jamais été connu pour être un expansif, un homme de dialogue. Communiquer n’a jamais été sa tasse de thé. Certains esprits exigeants diront certainement que ce joueur ultra talentueux aurait pu faire mieux, mais ce serait oublier son corps fragile et ses genoux douloureux. Lorsqu’il a raccroché ses crampons en 2011, usé physiquement et mentalement, il s’imaginait certainement passer du temps avec ses trois garçons et sa femme. Mais le destin en a voulu autrement.

"Je venais de prendre ma retraite au Nacional de Montevideo. J’étais parti sur une bonne note puisque nous avions remporté le championnat uruguayen. Quelques jours plus tard, le président du club m’a appelé pour me proposer le poste d’entraîneur. J’ai tout de suite accepté." En Argentine, cette nouvelle a surpris beaucoup de monde, parce que personne ne se doutait que le "muñeco" aspirait à devenir DT (Director Tecnico). "C’est une vocation tardive, avait alors avoué Gallardo. J’ai commencé à y penser vers 28 ans, car je voulais comprendre le pourquoi du comment. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à poser des questions à mes entraîneurs et à leurs assistants, que je me suis transformé, peu à peu, en entraîneur."

A peine nommé et déjà couronné. Sa première saison sur un banc se solde par un titre de champion d’Uruguay. Pas mal pour un débutant. Mais Gallardo, à la surprise générale, décide de faire un pas de côté. "Après vingt ans de carrière, j’avais besoin de souffler, de passer du temps avec ma famille, explique-t-il dans le Grafico. Mais cette saison-là au Nacional m'a permis d’y voir plus clair et de comprendre que je voulais devenir entraîneur."

Marcelo Gallardo lors de son sacre avec le Nacional de Montevideo

Arrivé par la petite porte à River Plate

Pendant deux ans, Marcelo Gallardo se ressource et met, patiemment, son projet en place. Il réfléchit, regarde beaucoup de football, affine sa méthode pour être prêt le jour où un club l’appellera. Mais il n’est pas prêt à tout accepter. Car Gallardo est exigeant. Finalement, c’est Enzo Francescoli, devenu une sorte de directeur sportif de River Plate, qui va le sortir de sa retraite. "Lorsque Ramon Diaz a démissionné de son poste, après avoir remporté le championnat argentin, j’ai tout de suite pensé à Marcelo, a déclaré Francescoli à La Nacion. J’étais tombé sur lui, par hasard, lors d’un voyage Buenos Aires-Montevideo. Nous avions parlé de football, de son expérience à Nacional. Il m’avait raconté qu’il voyait maintenant le football avec des yeux d’entraîneur. C’est un homme intelligent, qui a les idées claires et il a toujours été une idole de River Plate. Bref, le moment était venu pour lui de faire le grand saut."

Là encore, sa nomination a fait beaucoup parler. Comment un entraîneur aussi jeune, avec si peu d’expérience, peut-il prendre les rênes d’un club aussi médiatique et exigeant ? Gallardo a laissé parler et s’est mis sérieusement au travail avec ses deux fidèles assistants Matías Biscay et Hernán Buján : "Ce sont comme des frères, je les connais depuis que j’ai 13 ans, puisque nous étions ensemble au centre de formation de River Plate." Rapidement, la méthode Gallardo porte ses fruits. Son équipe séduit et gagne des matches.

Pour Marcelo, le ciel est bleu azur, puisqu’il est invaincu depuis sa nomination. En championnat, il n’a pas connu la défaite en 18 matches (11 victoires, matches nuls) et il fond, doucement mais sûrement sur le record d’Americo Gallego de 24 matches d’affilée sans défaite (en 1994). Certains vont même jusqu’à dire que River Plate, qui n’a plus gagné de titre international depuis 1997, pourrait, dès cette année, décrocher la Copa Sudamericana (River est qualifié pour les quarts de finales). Bref, Gallardo est l’homme du moment en Argentine.

La méthode Gallardo

L’ex-meneur de jeu argentin a deux modèles d’entraîneur : Marcelo Bielsa et Alejandro Sabella. Deux hommes qu’il a côtoyés et qui l’ont profondément marqué. Sabella, il l’a connu à River Plate, lorsque l’ex-sélectionneur argentin s’occupait de l’équipe réserve du club de Buenos Aires. Bielsa, lui, a été son entraîneur avec la Selección. Le microcosme du football argentin affirme que Gallardo est aussi exigeant que ses mentors. Il semble pourtant plus ouvert au dialogue avec ses joueurs que le "loco" Bielsa. Mais pour entretenir la flamme avec ses joueurs, Gallardo s’est fait violence. "Lorsqu’il était sur les bancs de l’école des entraîneurs, affirme son professeur Luis Lescurieux, Marcelo était un homme de peu de mots. Chaque phrase qui sortait de sa bouche était mesurée. Il ne parlait jamais pour rien dire. Je me demandais comment il allait faire pour parler devant un groupe. Son expérience à Nacional lui a permis d’évoluer, de comprendre comment faire passer son message. Car il a une conception du football très personnelle et très intéressante."

Gallardo est obnubilé par la technique. Pour lui, le jeu ne peut pas exister si son équipe n’est pas capable de se faire des passes. Alors, il invente des exercices, met ses joueurs face à de nouvelles situations de jeu pour leur apprendre à faire voyager ce ballon. Le toque est redevenu à la mode au stade Monumental. "Je cherche également à asphyxier mes adversaires, à ce que mon bloc équipe aille chercher très haut l’équipe adverse. Et lorsqu’on récupère le ballon, il faut aller vite vers l’avant." Le River de Gallardo est donc une équipe très forte collectivement. Pressing tout terrain, rapidité de transmission, combinaisons lasers, le spectacle est toujours au rendez-vous. River marque des buts et en encaisse très peu.

"Il a su redonner un style à cette équipe, affirme Enzo Francescoli. Il prend des risques, joue plus haut et en plus, il a su lancer dans le grand bain une génération de nouveaux joueurs du club." Car, n’en déplaise à certains, il n’y a pas de grande équipe sans grands joueurs. Et ce River-là est un habile mélange de joueurs expérimentés (Téofilio Gutierrez, Ponzio, Carlos Sanchez) et de jeunes pousses très prometteuses à l’image de Claudio Kranevitter (21 ans), un milieu de terrain défensif axial qui est déjà aux portes de la sélection, des jeunes attaquants Sebastian Driussi (18 ans) et Lucas Boyé (18 ans) ou du défenseur Ramiro Funes Mori (23 ans).

Les éloges

Aujourd’hui, chaque personnalité qui compte en Argentine, a son petit mot doux à l’encontre de Marcelo Gallardo. Cesar Luis Menotti a par exemple déclaré : "Avec Jorge Almirón (Independiente) et Diego Cocca (Racing), il représente la nouvelle génération des entraîneurs argentins. Il cherche à développer un autre football, plus offensif, plus efficace. Il ne veut pas laisser respirer son adversaire et surtout, il cherche à élaborer une animation offensive faite de passes rapides et verticales, et ça c’est quelque chose que nous avions oublié en Argentine. Ces trois entraîneurs-là peuvent nous apporter beaucoup dans le futur."

Diego Simeone, un autre entraîneur argentin très en vogue, est particulièrement attentif aux prestations de River Plate. Et la présence de son attaquant de fils, Giovanni Simeone (19 ans), dans l’effectif de Gallardo n’est certainement pas étrangère à cet intérêt certain : "Marcelo insuffle une nouvelle idée du football en Argentine. J’aime cette équipe car il y a beaucoup de fluidité dans son jeu, il remet au goût du jour le jeu offensif dans un championnat qui ne pensait plus qu’à défendre."

Marcelo Gallardo, entraîneur de River Plate

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