Argentine // San Lorenzo
Un an après avoir remporté la première Copa Libertadores de l’histoire de San Lorenzo, l’entraîneur Edgardo Bauza quitte son poste. Pablo Guede, ancien coach de Palestino, prend la relève. Et risque de tout bouleverser dans le club cher au pape François.
Ça donnera quoi, le nouveau San Lorenzo ?
Le 6 septembre dernier, lorsque Rodrigo Betancur, jeune milieu de terrain de Boca, offre un but inespéré à Mauro Matos dans le temps additionnel, on pouvait croire à un retour du club entraîné par Bauza dans la course au titre. Finalement, San Lorenzo terminera à trois points des coéquipiers de Carlos Tévez. La fin d’une saison vierge et compliquée, marquée par une mauvaise campagne en Copa Libertadores (tenant du titre, le club du quartier de Boedo a été éliminé au premier tour), les blessures à répétition de ses cadres (Romagnoli et Ortigoza), et les incessantes rumeurs sur un départ d’Edgardo Bauza. Finalement, le Patón, qui a mené le club cher au pape François sur le toit du continent sud-américain pour la première fois de son histoire s'en va, estimant que « son cycle était terminé » .
Escribiste para siempre tu nombre en la historia grande de nuestro club.
#GraciasBauza
— Matías Lammens (@MatiasLammens) 29 Octobre 2015
L’entraîneur argentin laisse derrière lui un chantier important pour son successeur Pablo Guede, débarqué de Palestino. Une nouvelle ère, qui devrait faire la part belle au football total prôné par celui qui se dit admirateur de Bielsa.
Pas encore prophète en son pays
En Argentine, Pablo Guede est (peu) connu pour la montée en première division obtenue avec le modeste club de Nueva Chicago lors de la saison 2013-2014. Au Chili, il est l’entraîneur qui a donné une nouvelle vie au club unique qu’est Palestino. Avec un groupe d’une moyenne d’âge de 24 ans, le plus faible budget du championnat, il emmène le club en Copa Libertadores. À cette époque, la presse chilienne lui promet même un avenir dans le staff de Jorge Sampaoli, sélectionneur du Chili. Un amoureux du football offensif qui se présentait ainsi aux supporters de San Lorenzo, lors d’une interview pour la chaîne argentine TYC Sports : « Je veux adapter mon idée de jeu à San Lorenzo. Quand tu arrives dans un nouveau club, tu ne peux pas forcément le faire. Mais avec Lammens et Tinelli (président et vice-président du club, ndlr), nous avons eu des discussions interminables sur le football. Sur ma manière d’entraîner, sur le football argentin, sur les objectifs de San Lorenzo. » Le jeune entraîneur de 40 ans revient sur sa réputation de fou de football : « Oui, je suis un obsessionnel du football. Si regarder tout le temps du football, analyser les adversaires, tenter d’éviter les erreurs de mes joueurs, c’est être obsessionnel, alors effectivement je le suis. » En Argentine, ces belles paroles peuvent laisser perplexe. Ici, on lui reproche d’être un « vendedor de humo » , comprendre un beau parleur. Là, on lui reproche de n’avoir jamais fait ses preuves dans son pays. Le nouvel entraîneur de San Lorenzo est revenu sur son retour à Buenos Aires et sur l’héritage laissé par Bauza : « Je dois apprendre de Bauza. Il a gagné deux Libertadores (avec LDU Quito et San Lorenzo, ndlr), et il a fait un travail exceptionnel à San Lorenzo. L’équipe jouait bien. Cela ne plaisait peut-être pas, mais c’est beaucoup de travail. » Et va donc affronter l’un des plus gros défis de sa jeune carrière : faire jouer un football offensif à une équipe habituée à bétonner.
L’Argentine va découvrir un disciple de Bielsa
Matías Lammens et Marcelo Tinelli en sont certains : Pablo Guede est l’entraîneur idéal pour San Lorenzo. Au premier abord, l’association entre un entraîneur à l’idée offensive et un club décrié pour son football ennuyant semble risquée. Sur le site argentin Un Caño, Pablo Guede explique ses principes et axe sa tactique autour « de l’importance des cinq secondes » : « Si on arrive à récupérer la balle en cinq secondes, on ne laisse pas l’adversaire réfléchir. Aussi, on crée de la surprise, puisque les rivaux sont désorganisés. » Et insiste sur cette idée : « Quand on perd la balle, les joueurs ont juste une chose à faire, peu importe l’endroit où il se trouve : choisir un joueur, et le presser. C’est très simple à faire : les adversaires ont un maillot différent. » Si ces explications rappellent les folles conférences de presse de Bielsa, Guede va devoir adapter ses idées à un football argentin qui a oublié ses origines.
L’ancien joueur qui a fait une bonne partie de sa carrière en Espagne explique aussi la réussite obtenue avec Palestino : « Mon équipe cherche à relancer depuis notre surface quand il y a des possibilités. Sinon, c’est le suicide. Je veux que mon équipe soit en supériorité numérique au milieu de terrain. » Un sacré programme pour un homme qui affirme ne pas craindre l’échec : « À chaque fois que je signe dans un club, je sais que, quoi qu’il arrive, on me virera. C’est pour ça que s’il faut perdre, je veux le faire avec mes armes. » Et de conclure en expliquant son admiration pour le Loco, ancien entraîneur de l’OM : « Je pense que Bielsa est un grand entraîneur, parce qu’il travaille l’aspect individuel de chaque joueur d’une manière unique dans le monde du football. » Pour ce qui est des individualités, Guede devra faire sans Mario Yepes et Mauro Cetto. Les deux vétérans ont annoncé qu’ils quitteraient le club. Martín Cauteruccio, meilleur attaquant des Cuervos la saison dernière, devrait lui se diriger vers le championnat malaisien. Le nouveau coach de San Lorenzo a déjà coché quelques noms pour son projet : Germán Lanaro, ancien poulain de Guede à Palestino, Marcos Angeleri (Málaga), Alejandro Donatti (Rosario Central) ou encore Pablo Mouche pour la pointe de l’attaque. Reste à voir si Pablo Guede pourra imposer ses convictions dans un grand club. L’heure de la révolution de San Lorenzo a sonné.
Par Ruben Curiel