Buenos Aires – Procureur agentin: l’enquête s’oriente vers un suicide …

Les résultats préliminaires de l'autopsie évoquent un suicide mais les Argentins sont perplexes car il est intervenu quatre jours après de lourdes accusations contre la présidente Cristina Kirchner.  

Pourquoi se serait-il donné la mort alors qu'il avait interrompu ses vacances en Europe pour révéler que le pouvoir avait entravé l'enquête, et qu'il devait s'exprimer devant le Parlement lundi après-midi, avancent les sceptiques. 

Dimanche soir, le procureur chargé depuis 2004 de l'enquête sur l'attentat de l'AMIA a été retrouvé mort, tué d'une seule balle, gisant dans une flaque de sang et un revolver de calibre 22 mm près de lui, dans son appartement fermé de l'intérieur situé au 13e étage d'un immeuble de Puerto Madero, un quartier chic de Buenos Aires. 

Pour Viviana Fein, magistrate conduisant l'enquête sur la mort de son collègue, il s'agit d'une "mort douteuse". Elle n'exclut pas que des menaces, des appels, un harcèlement aient pu le conduire au suicide. 

La semaine dernière, Alberto Nisman avait demandé l'ouverture d'une enquête pour entrave contre Mme Kirchner. Il la soupçonnait d'avoir freiné l'enquête au profit de l'Iran, dont des hauts-fonctionnaires sont recherchés par la justice argentine. 

Le gouvernement argentin avait catégoriquement démenti la mise en cause du procureur Nisman et dénoncé une manoeuvre de déstabilisation à neuf mois du premier tour de la présidentielle.  

- Attentats non élucidés - 

En 1994, une explosion criminelle avait ravagé le bâtiment de la mutuelle juive AMIA, faisant 85 morts et 300 blessés, dans le centre de la capitale. 

Deux ans plus tôt, le 17 mars 1992, 29 personnes avaient péri dans un attentat contre l'ambassade d'Israël. 

Les deux attentats ayant visé la communauté juive argentine n'ont jamais été élucidés. 

Israël s'est dit lundi attristé par la mort du procureur et a appelé Buenos Aires à "continuer le travail du procureur Nisman (...) pour traduire en justice les responsables de l'attentat". 

"C'est un nouvel attentat contre la République", s'est ému Sergio Bergman, rabbin et député du PRO, parti conservateur d'opposition. 

Le procureur argentin affirmait détenir des enregistrements d'écoutes téléphoniques accusant le pouvoir et devant démontrer que les autorités argentines avaient ces dernières années cédé à un chantage de la part de l'Iran, qui, selon lui, faisait miroiter à Buenos Aires de juteux contrats commerciaux. 

Il devait présenter lundi aux parlementaires des preuves de ses accusations contre Mme Kirchner et son ministre des Affaires étrangères Hector Timerman, coupables d'après lui d'avoir préparé "un plan d'impunité" pour "protéger les fugitifs iraniens". 

M. Nisman avait demandé la saisie préventive de leurs biens pour un montant de près de 20 millions d'euros. 

S'il y a "impunité" après cette mort, "ce sera un désastre institutionnel", a estimé le maire de Buenos Aires et candidat à la présidentielle d'octobre 2015, Mauricio Macri. 

L'Iran est soupçonné d'être impliqué dans l'attentat de l'AMIA. La justice argentine réclame l'extradition de huit responsables iraniens, dont l'ancien ministre de la Défense Ahmad Vahidi et l'ex-président Akbar Hachémi Rafsandjani, pour les juger. 

L'Iran et l'Argentine ont signé en 2013 un mémorandum pour la mise en place d'une commission d'enquête sur l'attentat contre l'AMIA et l'audition à Téhéran des huit suspects. Cet accord est resté lettre morte. 

Alberto Nisman, 51 ans, divorcé d'une juge argentine et père de deux filles, avait été nommé en 2004 par le président Nestor Kirchner, époux de Mme Kirchner, mort en 2010. Il vivait sous protection policière. C'est d'ailleurs un de ses gardes du corps qui a donné l'alerte, car le procureur ne répondait pas à ses appels.  

Pour le politologue Atilio Boron, "la première victime est Nisman, la deuxième, les familles des victimes de l'attentat et la troisième, le gouvernement argentin. Car les médias hégémoniques disent qu'il est pratiquement certain que le gouvernement est derrière (la mort de Nisman)". 

Dans l'affaire de la mutuelle AMIA, l'ancien président argentin Carlos Menem (1989-1999), 84 ans, est également mis en cause, lui aussi pour avoir entravé l'enquête. Il attend depuis trois ans qu'une date soit fixée pour le procès. 

La présidente argentine ne s'est pas exprimée lundi, mais elle a ordonnée le déclassement d'informations des services de renseignement sur le dossier AMIA, une requête du procureur Nisman. 

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