Il en rêvait depuis plusieurs années. C'est désormais chose faite. Jean-Baptiste Pilou a quitté l'une des tables les plus prestigieuses de Buenos Aires, La Bourgogne, pour créer Fleur de sel. Le jeune Français, titulaire d'un BTS en hôtellerie, a appris à manier le piano au Ritz et auprès de Guy Savoy, avant de devenir à 27 ans, chef exécutif de La Bourgogne (restaurant fondé par Jean-Paul Bondoux, au sein de l'hôtel Alvear). "En cinq ans, j'ai fait le tour", estime celui qui dirigeait une équipe de quinze personnes. Désormais associé à sa compagne Valentina Avecilla (formée à la pâtisserie au Cordon Bleu à Paris), le jeune chef a souhaité un "lieu intime" (28 couverts seulement) et "une cuisine bistronomique d'influence française". Ce qui ne l'empêche pas d'inclure des plats aux accents marocains ou espagnols. "J'aime la cuisine du monde et je ne veux pas être catalogué comme un restaurant uniquement français, car ici, la cuisine française a la réputation d'être chère et peu copieuse."
Tout est fait maison
À la Fleur de sel, on met l'accent sur "la qualité de service". Les prix se veulent accessibles, avec un ticket moyen d'environ 11 € à midi et 38 € le soir. Tout est fait maison, même le pain. On "travaille de manière gastronomique des produits locaux" tels que le boeuf de Kobe élevé en Argentine ou l'agneau de Patagonie. On sert par exemple de la soupe d'oignons et ravioles au fromage réputé de Tafi del Valle, des babas au rhum truffés de mangue, banane et fruits de la passion… La carte, courte, change quasiment toutes les semaines : "Je peux ainsi exprimer ma créativité, mais c'est aussi pour une raison pratique. À Buenos Aires, l'approvisionnement relève de la loterie, il y a un manque de continuité de la part des fournisseurs, et le prix du kilo de tomates peut doubler d'un jour à l'autre…"
La notoriété ne s'est pas fait attendre, après la parution d'un article dans l'un des principaux quotidiens du pays, La Nación. "On est relativement content. Le bouche à oreille fonctionne bien, notamment auprès des Français, et on s'est déjà forgé une clientèle d'habitués argentins qui viennent deux à trois fois par semaine", déclare-t-il tout en gardant la tête froide, face à un tourisme en chute, une inflation galopante et des embauches gangrenées par "une industrie du procès où l'employé gagne à 99 % des cas". Et de conclure : "Il était important d'avoir une petite structure, sans trop de frais. Vu le contexte économique actuel en Argentine, notre objectif est de ne pas faire faillite et de récupérer notre investissement initial d'environ 45 000 euros."