Argentine : une alliance anti-impérialistes et antilibérales pour …

Entretien. Alejandro Bodart est député du Mouvement socialiste des travailleurs (MST) d'Argentine. Arrivé deuxième aux élections avec 25 % des voix, il siège à la legislatura de la ville de Buenos Aires. Il y représente une alliance de plusieurs forces anti-impérialistes dans un regroupement appelé Proyecto Sur. Le MST est observateur permanent au secrétariat de la IVe Internationale au même titre que le NPA.
La tonalité du discours à la nation de Kirchner à l'ouverture de la session parlementaire fédérale était très antilibérale ? Quelle est votre analyse de la politique de Kirchner ?
En Argentine, depuis la crise de 2001, il n'existe pas réellement d'espace pour un discours qui ne soit pas dans une tonalité antilibérale et anti-impérialiste. La bourgeoisie s'est donc adaptée au nouveau rapport de forces local et Kirchner, qui est issue du même parti que tous les responsables de la crise de 2001, le parti péroniste, a changé son discours du tout au tout.
Elle est arrivée au pouvoir avec l'appui de la bureaucratie syndicale, complètement corrompue et inféodée au péronisme, qui n'a pas participé aux mobilisations de 2001. Depuis dix ans, elle a réussi par cooptation et corruption à récupérer plusieurs composantes importantes du mouvement social comme les mères de la Place de Mai ou une partie du mouvement pour l'égalité des droits, de façon à faire taire la contestation. Par ailleurs, contrairement au Venezuela ou à la Bolivie, il n'y a eu aucun changement de structure dans le pays, y compris dans la représentation politique.
Plutôt que le discours, il est donc fondamental de s'intéresser aux actes. Des lois qui prétendaient s'attaquer à l'impérialisme, au capitalisme, n'ont en réalité rien changé du tout. La loi qui est censé avoir nationalisé l'industrie pétrolière, n'en a en fait nationalisé que 51 % de l'entreprise YPF, qui représente 30 % du secteur… On est loin d'un coup porté au capitalisme ! Kirchner pratique en permanence un populisme éhonté, n'hésitant pas à récupérer à son compte la lutte pour la reconnaissance des crimes de la dictature, prétendant s'attaquer à une oligarchie dont elle fait en réalité partie.

Face à cela, quelle est la politique développée par le MST ?
Depuis plusieurs années, le choix stratégique du MST a été de reconstruire à la gauche de Kirchner sur des bases larges. Nous considérons en effet que, dans la période, une alliance sur des bases anti-impérialistes et antilibérales sont la meilleure solution pour répondre aussi bien aux attaques du capitalisme qu'à la nécessité de reprendre l'offensive.
Ainsi, nous faisons alliance avec Pino Solada qui est le symbole de celles et ceux qui ont choisi de rompre par la gauche avec le kirchnerisme sans pour autant s'affirmer comme anticapitaliste ou révolutionnaire. Notre priorité est d'être connecté avec les mouvements de masse et gagner de l'audience pour peser électoralement et dans les luttes afin de reprendre l'offensive.

Et donc quelles sont vos campagnes ?
Nous portons cinq principaux combats. Il y a d'abord les luttes écologiques principalement autour des projets de mines géantes et de l'extraction des gaz de schiste. Véritable scandale écologique et économique, nous sommes partie prenante d'une campagne où notre slogan est « notre eau vaut plus que votre or ». Ensuite,
il y a une grande lutte sur le développement du transport ferroviaire, sur la reconstruction et le développement de ce mode de transport qui a été complètement détruit par les politiques libérales de Menem dans les années 90. Nous nous battons également contre l'impérialisme et pour l'indépendance énergétique en réclamant notamment la nationalisation et le contrôle total de nos ressources naturelles qui ne doivent appartenir ni aux entreprises étrangères ni à l'oligarchie argentine extrêmement présente dans le secteur agricole qui représente à lui seul 50 % des exportations argentines.
Pour faire face à la crise économique avec une inflation d'environ 30 % par an à laquelle le gouvernement n'apporte pas de réponse, nous menons de campagnes sur les salaires et le niveau de vie. Enfin, un de nos axes fondamentaux de lutte consiste à acquérir de nouveaux droits démocratiques, se battre contre la corruption, et à obtenir la vérité mais surtout la justice sur les crimes commis pendant la dictature.

Quels sont les objectifs concrets pour le MST et Proyecto Sur dans les mois à venir ?
Clairement, nous pensons pouvoir devenir une alternative au kirchnerisme. Sur le plan électoral, nous pensons pouvoir contester son hégémonie actuelle. Loin d'être un obstacle, les différences qui s'expriment dans notre regroupement sont une force si elles restent centrées autour d'un programme de rupture. Le développement de notre alliance et, en son sein, de notre parti est donc essentiel pour redonner l'espoir aux masses qu'un changement, qu'une alternative est possible.

Propos recueillis par Antoine Chauvel

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