De notre correspondante à Buenos Aires, Marine de La Moissonnière
Le texte de La Nacion a suscité une vague d’indignation. Cet éditorial publié lundi avait pour titre : « No mas venganza » (« plus de vengeance » dans sa forme négative). Il appelait à la libération des personnes condamnées pour les crimes contre l’humanité perpétrés pendant la dernière dictature militaire d'Argentine, entre 1976 et 1983.
Le ton du texte est extrêmement agressif. L’auteur (ou les auteurs puisque cet éditorial n’est pas signé) compare les militants de gauche, principales victimes de la dictature, aux auteurs des attaques terroristes perpétrées à Paris le 13 novembre dernier. Il reprend donc l’argumentaire des responsables de la dictature eux-mêmes, et notamment la fameuse « théorie des deux démons », qui prétend que les militaires n’ont fait que répondre aux attentats commis par la guérilla de gauche à l'époque.
Un plaidoyer pour une lecture moins manichéenne
La polémique a tout de suite éclaté, avec des réactions très fortes sur les réseaux sociaux. Réactions consternées aussi au sein de la rédaction de La Nación elle-même. Sur Twitter, les journalistes du quotidien comme Hugo Alconada se sont désolidarisés du texte. Ils ont organisé une réunion le jour même et ont publié un communiqué rejetant l’édito.
Cet éditorial a néanmoins été salué par certains Argentins sur les réseaux sociaux. Mais il n’est là question que d'une infime minorité qui demande l’arrêt des procès de la dictature. Une petite portion de la société, sans aller jusque-là, réclame toutefois une lecture plus équilibrée, un peu moins manichéenne, de l'histoire du pays. Ils souhaiteraient qu'il n’y ait pas d’un côté les anges - les militants de gauche -, et de l’autre les brutes - les tortionnaires de la dictature.
Peut-on placer chaque crime sur le même plan ?
Ces Argentins souhaitent que l’on reconnaisse que pendant les années 1970, les militants Montoneros, ou ceux de l’Armée révolutionnaire du peuple (ERP), ont commis des attentats, ont enlevé et tué des gens. Des crimes qui n’ont évidemment rien à voir avec ceux commis par l’Etat argentin à cette époque. Un ancien militant Montenero, qui a survécu aux camps de détention, disait à RFI, il y a 15 jours, qu'il ne pouvait pas souhaiter ce qu’il avait enduré aux militaires qui l’ont torturé.
Certains Argentins vont cependant jusqu'à penser que les militants de gauche devraient eux aussi être jugés. Ce qui est impossible dans la plupart des cas car ces crimes ne sont pas imprescriptibles et sont donc, désormais, prescrits.
Le président élu s'engage sur la question des procès
Dès lundi matin, le jour de l'éditorial, lors de sa toute première conférence de presse en tant que président élu, Mauricio Macri a réagi. Il s’est engagé à ce que les procès contre les responsables de la dictature continuent. Il a ainsi pris ses détracteurs à contre-pied. Le retour de l’impunité, c’était une menace que brandissaient en effet ses adversaires pendant la campagne.
Reste à voir ce qu'il va désormais se passer réellement, suite à l'alternance effective, lorsque le nouveau gouvernement entrera en fonction. En tout cas, dans sa nouvelle équipe gouvernementale, le président élu Mauricio Macri a maintenu le poste de secrétaire d’Etat aux droits de l’homme.
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