"C'est tout un pan de ma vie qu'on m'ôte", a dit Susana, 55 ans, l'un de nombreux usagers qui en veulent au maire de Buenos Aires, Mauricio Macri (droite), d'avoir décidé de remplacer ces wagons historiques de la ligne "A" pour des nouvelles rames d'origine chinoise.
Cette ligne est la première de l'hémisphère sud (1913) et ces wagons, très prisés des touristes, construits par "La Brugeoise, Nicaise et Delcuve", étaient les plus anciens en fonctionnement régulier dans le monde.
La ligne, aux stations tout aussi anciennes, suit le tracé de l'Avenue de Mai, reliant la place centrale au Congrès, connue pour la richesse de son patrimoine et l'élégance du Buenos Aires de la Belle Epoque.
Un symbole démantelé
Or, contrairement aux rames de Budapest (1896) qui ont été classées au patrimoine mondial de l'humanité avec leur avenue Andrassy et préservées pour des circuits touristiques, ce symbole de Buenos Aires va être pure et simplement démantelé.
Le numéro deux de la mairie, Horacio Rodriguez Larreta, a même ironisé sur le bois des anciens wagons, suggérant qu'il "pourrait servir pour un asado" (viande grillée argentine).
Cette attitude a provoquée une vive réaction d'usagers et défenseurs du patrimoine, qui ont manifesté vendredi soir contre ce retrait et semblent déterminés à obtenir que les vieilles rames puissent continuer à fonctionner.
La présidente argentine Cristina Kirchner a elle-même appelé à préserver ces rames en soulignant qu'elles faisaient "partie du patrimoine national".
La sécurité en jeu
Rival de Cristina Kirchner, Mauricio Macri a assuré qu'il n'y avait rien à faire car il en allait de la sécurité des passagers.
Les statistiques démentent cet argument: la ligne "A", avec un seul accident en un siècle, est de loin la plus sûre de toutes les lignes de métro de Buenos Aires.
A chaque entrée en gare d'une rame de "La Brugeoise" la foule a applaudi à tout rompre, certains éclatant en sanglots.
A l'intérieur des wagons, au charme austère et feutré des boiseries et des appliques en opaline, de nombreux passagers ont pris des photos au cas où l'on ne parviendrait pas à obtenir que ces rames demeurent en fonctionnement.
Projets de loi et recours en justice pour sauver les rames
Plusieurs parlementaires ont présenté des projets de loi et des recours en justice pour les sauver. Mais, en plein été austral, parlement et tribunaux sont fermés.
L'ambassadeur de Belgique, Thomas Antoine, était sur le quai pour témoigner de la qualité de La Brugeoise. "Ces wagons ont été faits pour durer: ce sont des exemples de travail bien fait", a-t-il dit.
Peuvent-ils encore être sauvés? Les défenseurs du patrimoine ont maintenant l'espoir de s'allier avec les syndicats. Ils ont lundi un premier rendez-vous avec eux.
Belga