Le magistrat qui accusait la présidente argentine de tenter de couvrir les suspects iraniens de l’attentat de 1994 contre un centre communautaire juif de Buenos Aires a été retrouvé mort à son domicile quelques heures avant d’être entendu par le Congrès.
Coup de théâtre. Alors qu’il devait être entendu lundi après-midi par une commission parlementaire, Alberto Nisman, le procureur qui accusait la présidente argentine de tenter de couvrir les suspects iraniens de l’attentat de 1994 contre un centre communautaire juif de Buenos Aires, a été retrouvé mort chez lui dans la nuit de dimanche à lundi. « Nous cherchons à déterminer les causes de la mort. Je peux confirmer qu’une arme de calibre 22 a été retrouvée à côté du corps. La mort est due à un tir d’arme à feu », a déclaré la procureur Viviana Fein, appelant à la « prudence ».
Vingt et un ans après l’attentat perpétré contre l’Association mutuelle israélite de Buenos Aires (AMIA), Alberto Nisman, chargé de l’enquête depuis 2004, accusait la présidente et ses ministres d’avoir étouffé la responsabilité de l’Iran et de ses terroristes dans cet attentat qui a fait 85 morts et 300 blessés. Il avait défilé sur tous les plateaux de télévision pour l’affirmer. Selon lui, un pacte secret entre la dirigeante péroniste et le régime des ayatollahs aurait permis de troquer l’immunité de l’Iran en échange d’un accord commercial « pétrole contre céréales ». D’après l’enquête, la République islamique aurait été à l’origine de l’attaque à l’AMIA, soit le plus grand massacre antisémite depuis la Seconde Guerre mondiale.
Téhéran n’a jamais collaboré ni livré les suspects
En 2006, la justice argentine avait lancé un mandat d’arrêt international à l’encontre de cinq anciens membres du pouvoir iranien et d’un Libanais, lié au groupe islamique Hezbollah. Interpol était mobilisé, mais Téhéran n’a jamais collaboré ni livré les suspects. A la surprise de l’opposition et de la communauté juive argentine, la deuxième hors d’Israël après New York, l’Argentine a ensuite annoncé un traité avec l’Iran, ratifié par le parti majoritaire de Cristina Kirchner au Congrès.
Outre le volet commercial, il donnait la possibilité aux suspects iraniens d’être interrogés dans leur pays par la justice argentine. Après avoir épluché des centaines d’écoutes téléphoniques, le procureur estime que la présidente et son ministre des Affaires étrangères, Héctor Timerman ont « décidé, négocié et organisé l’impunité des terroristes iraniens en fuite dans l’affaire AMIA afin de fabriquer l’innocence de l’Iran ». Il a demandé la mise sous séquestre des biens des personnes impliquées à hauteur de 20 millions d’euros.Jorge Capitanich, chef de cabinet du gouvernement, a réfuté une thèse « folle, absurde, illogique, irrationnelle, ridicule et contraire à la constitution ».
La réunion parlementaire de ce jour promettait donc d’être tendue. Cristina Kirchner et ses hauts fonctionnaires sont déjà en guerre contre plusieurs juges, dans des affaires de comptes en Suisse de proches de la présidente ou encore d’irrégularités constatées dans des sociétés appartenant à la famille Kirchner.