Argentine : manifestations pour dénoncer un crime resté impuni

Jeudi 18 septembre, à l'appel des organisations de défense des droits de l'homme, de Mères de la place de Mai et des organisations d'extrême gauche, des manifestations ont eu lieu à Buenos
Aires, capitale de l'Argentine, et à La Plata. Les manifestants réclamaient le « retour en vie » de Jorge Julio López.

Le « retour en vie », c'était l'exigence des Mères de la place de Mai, qui protestaient pendant la dictature de 1976-1983 pour obtenir des nouvelles de leurs enfants militants que les tortionnaires
de l'armée disaient être « disparus », alors que le plus souvent ils les avaient torturés puis assassinés.

En 2003, le président Nestor Kirchner, qui cherchait des soutiens à gauche, a balayé les lois d'amnistie qui protégeaient jusqu'alors les militaires. Des dizaines d'officiers, dont de hauts gradés
comme Videla, ancien chef de la junte, sont retournés dans le box des accusés.

30 000 militants, des ouvriers, des étudiants, souvent très jeunes, avaient été assassinés par l'armée, mais il restait des témoins. La junte n'avait pas atteint son objectif d'éradiquer tous ceux
qui luttent pour un monde meilleur.

López était un homme de 77 ans quand il a disparu il y a huit ans. Pendant la dictature, ce maçon péroniste fut séquestré pendant près de trois ans par l'armée dans plusieurs de ses centres de
torture. Mais il ne fut pas assassiné. Et ce rescapé de la répression put témoigner notamment contre Miguel Etchecolatz, ancien responsable d'un centre de détention clandestin et bras droit d'un
général. En 2006, Etchecolatz fut le premier officier condamné à la prison à perpétuité pour des crimes contre l'humanité. Il avait supervisé la séquestration, la torture et l'exécution d'un groupe de
lycéens de La Plata, ce qu'on a appelle là-bas la « nuit des crayons ».

López était un témoin-clé qui mettait en cause des dizaines de policiers et militaires. Mais le 18 septembre 2006, quelques heures avant de venir témoigner une dernière fois devant la cour, il a
disparu à La Plata, kidnappé à son domicile. Il n'est pas difficile de deviner qu'il a été éliminé par les amis de ceux contre qui il avait témoigné, militaires, barbouzes d'extrême droite ou les deux
à la fois.

Depuis huit ans, la justice argentine a surtout montré qu'elle ne cherchait pas à retrouver les coupables de ce crime, qui reste impuni. Julio López est devenu un drapeau pour ceux qui ne veulent
ni oublier ni pardonner les crimes de la dictature militaire et qui réclament son « retour à la vie ».

Jacques FONTENOY

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