La crise provoquée par l’annonce de Buenos Aires de s’abstenir de payer ses dettes sera, semble-t-il, très limitée. Jusqu’à présent, seuls le Brésil et l’Uruguay, ses deux principaux partenaires commerciaux, devraient être touchés par une récession à moyen terme. Le FMI a nié toute perturbation du marché mondial des capitaux à cause du non-paiement des dettes de l’Argentine, parce que celle-ci, troisième plus grand pays en développement dans le monde, est relativement isolée du système financier global, depuis sa crise financière en 2001. « Même si on regrette cette défection, nous ne pensons pas que cela ait des conséquences substantielles majeures au-delà (de l’Argentine) », a commenté Christine Lagarde, directrice du FMI. Il y a 13 ans, l’Argentine avait dû déclarer faillite après son échec à honorer sa dette extérieure qui avait atteint les 100 milliards de dollars. Aujourd’hui, la dette en question est de 15 milliards seulement. De plus, le problème actuel est plus légal qu’économique. En fait, après la crise de 2001, le gouvernement argentin a mené des négociations réussies au sujet de 93% de ses dettes. Les créanciers ont accepté d’annuler environ 70 % du montant des dettes et de prolonger la période de remboursement. Le reste des créanciers a refusé l’accord. Ce sont des fonds spéculateurs, qualifiés par la présidente argentine Cristina Fernandez de Kirchner de « fonds vautours », tous d’origine américaine.
Contrairement aux pays créditeurs, qui ont intérêt à ce que le pays endetté soit en bonne santé économique pour pouvoir remplir régulièrement ses engagements, les fonds spéculateurs tiennent à maximiser leurs profits, explique une analyse publiée par Le Figaro le 1er août. Deux fonds new-yorkais détiennent des dettes argentines : Elliott Management et Aurelius Capital. Le premier a tenté un procès contre l’Argentine et a eu récemment un verdict qui lui permet de récupérer 100% du montant des bons argentins qu’il détient. Le même verdict stipule également que l’Argentine arrête de payer ses autres dettes jusqu’à ce qu’elle paie cette ancienne dette. Pour sa part, l’Argentine craint que dans le cas où elle paierait la totalité de cette petite dette, les autres créanciers ne réclameront leur droit à un traitement égal, stipulé dans les contrats des dettes extérieures. Un droit qui sera invalide fin décembre 2014. L’Argentine veut donc attendre quelques mois avant de payer à ces fonds leurs droits sans avoir à souffrir de conséquences légales plus étendues. D’ailleurs, plusieurs analystes estiment que ce défaut est considéré comme légal, obligatoire et temporaire.
La vulnérabilité des pays émergents lourdement endettés
Si les grands acteurs du système financier mondial ont été épargnés par l’onde de choc de la crise argentine, les pays émergents lourdement endettés sont vulnérables. Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie, avertit que le défaut de paiement de l’Argentine peut mettre en cause les opérations de restructuration des dettes dans d’autres pays. « Les Etats-Unis ont lancé une bombe sur le marché mondial des dettes. Nous ne connaissons pas encore l’ampleur de l’explosion. Les conséquences sont à attendre. Cela ne concerne pas l’Argentine seulement », a-t-il dit lors d’un entretien au New York Times. La Turquie, qui a connu une longue histoire de défauts de paiement (voir encadré), sent la pression. Déjà ses réserves sont en baisse et sa monnaie en dévaluation.
D’habitude, quand un pays déclare faillite, les autres pays en développement peinent à s’endetter auprès des marchés financiers mondiaux et doivent payer des taux d’intérêts plus élevés. « Ce genre de répercussion ne durera que quelques jours seulement », argue Mohamad Abou-Bacha, économiste auprès de EFG-Hermes, qui explique que l’Argentine est un cas très particulier et isolé du reste des pays émergents. Un pays comme l’Egypte est particulièrement épargné. Elle a recours aux pays du Club de Paris pour s’endetter, et non pas aux marchés mondiaux (voir encadré).
Kenneth Rogoff, professeur à l’Université de Harvard et ex-économiste en chef auprès du FMI, accuse pour sa part le FMI de manque de gouvernance appropriée pour protéger les pays endettés en détresse. Il souligne dans un article publié le 2 août sur Project Syndicate que pour le moment, c’est la loi américaine qui règle les différends entre ces fonds et les pays endettés. Celle-ci soutient plutôt les créanciers. Le FMI, pour sa part, est conscient de ce problème. Il a annoncé qu’il publiera en septembre prochain les résultats d’une étude relative aux lacunes dans les accords collectifs concernant la restructuration des dettes.
L’Egypte n’est pas l’Argentine
Contrairement à l’Egypte, plusieurs pays d’Amérique latine ont connu des défauts de paiements tout au long de leur histoire. Selon Moody’s, l’Equateur et le Venezuela ont un record de 10 fois, l’Argentine de 8. Au Moyen-Orient, il n’y a que la Turquie qui figure dans cette liste avec 8 incidents de défaut en 200 ans. L’Egypte, en revanche, n’en a connu aucun. En plus, bien que la dette extérieure ait doublé au cours des 4 années qui ont suivi la révolution de janvier, celle-ci est toujours moins importante que la dette locale. « Seules les recettes annuelles du Canal de Suez peuvent couvrir les engagements annuels du pays », note Hani Guéneina, directeur du département de recherches à Pharos Securities. Par ailleurs, l’Egypte est en train de restaurer sa réputation sur le marché mondial. Ainsi, les institutions de notation ont changé leur évaluation à l’égard du pays. Celle-ci est passée de « négative » à « stable ».
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