L'Argentine cherche à contourner le blocage de fonds imposé à New York par le juge Griesa.
Une loi a donc été votée au Parlement (avec le soutien d'une partie de l'opposition) pour proposer aux débiteurs ayant accepté la restructuration de toucher leur argent soit à Buenos Aires soit à Paris plutôt qu'à New York.
Initialement Kicilloff et Kirchner avaient envisagé de ne proposer que Buenos Aires, mais devant le rejet massif par les créditeurs concernés, ils se sont résolus à élargir leur offre à une juridiction européenne (je ne suis pas mégalo, mais je ne peux m'empêcher de penser que si les gouvernants argentins avaient suivi les conseils gratuits et bien intentionnés de mon billet du 3 août dernier, ils auraient évité de zigzaguer d'une improvisation à l'autre...)
Mais au lieu de proposer en option un échange de bons avec changement de devise (autre conseil crucial que je leur donnais dans ce même billet du 3 août) ils se sont entêtés à conserver le dollar.
Quelles sont les conséquences sur la situation financière de l'Argentine ?
À très court terme, il est peu probable que les créditeurs donnent suite à l'offre argentine pour trois raisons:
- ils vont d'abord attendre ce que va décider la Chambre d'Appel de New York le 3 septembre concernant en particulier le blocage par Griesa des fonds des créditeurs non-américains,
- ils vont ensuite voir quelle proportion des créditeurs font faire jouer la clause d'accélération du remboursement (l'échéance est le 28 septembre) afin de mieux évaluer le rapport de force,
- le choix de conserver le dollar pose un autre problème car les chambres de compensation inter-bancaires européennes (en particulier Euroclear basée au Luxembourg) avaient participé spontanément au blocage des flux en dollars par peur de représailles américaines ; seul un signal politique fort envoyé à la fois par le législateur et l'exécutif américain pourrait les dissuader de jouer les auxiliaires du juge Griesa (mais la proximité des élections américaines de mi-mandat rend très improbable l'avancement rapide au Sénat du projet de loi anti-vautours préparé par quelques sénateurs lucides).
D'autre part, les Argentins ont choisi Paris comme autre lieu optionnel de paiement sans consultation politique préalable avec le gouvernement français, ce qui est évidemment une grossière faute politique (typique du mélange d'arrogance, de myopie et d'amateurisme qui caractérise depuis toujours le mouvement péroniste, toute tendances confondues) même s'il s'agit ici d'un choix en apparence purement technique.
Je suppose que le choix de Paris s'explique par le soutien (modéré) apporté par la France dans la dernière période (contrairement à l'Allemagne, par exemple, qui a voté à l'ONU contre la toute récente résolution sur les modalités de conduite des restructurations de dette souveraine); ajoutons à cela que les politiciens argentins adorent venir se promener à Paris (c'est quand même plus glamour que Bruxelles, Francfort ou Berlin...)
Cela dit, selon leur façon de réagir au choix de Paris, Hollande, Valls et Macron vont maintenant avoir une occasion de démontrer pour changer une attitude progressiste sans que cela ne coûte un rond à la République Française, ou de confirmer leur alignement inconditionnel sur les intérêts du capitalisme financier américain.
Les paris sont ouverts...