Du nouveau sur les bords du Río de la Plata. Après douze ans de kichnerisme, l’Argentine a un nouveau président, Mauricio Macri, 56 ans, un non-péroniste et millionnaire de centre droit. La tâche est immense pour l’ex-maire de Bueno Aires et ancien patron de club de foot qui a prêté serment ce 10 décembre. Depuis 2002, les époux Kirchner (Nestor, décédé en 2010, puis Cristina depuis) ont mené une politique économique de gribouille. Leurs couplets populistes plaisaient à une bonne part de l’électorat. Mais ils provoquaient souvent l’agacement de leurs partenaires internationaux et des milieux d’affaires, notamment du Campo, le puissant lobby agricole. Taxe sur les exportations agricoles, nationalisations, protectionnisme désordonné, mise sous tutelle de la banque centrale, statistiques manipulées… La liste des errements est longue.
Après une éphémère reprise alimentée par la flambée de matières premières lors de la dernière décennie, la deuxième économie d’Amérique latine stagne et a perdu tout attrait sur la scène internationale. Pour mémoire, elle compte, avec la Syrie et l’Érythrée, parmi les rares pays au monde à n’avoir pas reçu depuis les lustres les experts du FMI. Mais foin du passé. Lors de son investiture (boudée par Cristina Kirchner), Mauricio Macri n’a guère précisé sa ligne économique au-delà de quelques idées de bon sens. Chacun connaît pourtant les chantiers qui attendent le président et son ministre de l’Économie, Alfonso Prat-Gay, qui fut gouverneur de la banque centrale de 2002 à 2004. Ils sont dans un premier temps d’ordre macroéconomique, l’Argentine subissant depuis deux ans une croissance nulle. Il s’agit notamment d’"unifier" le niveau de change entre le taux officiel et celui du marché noir, divergents d’environ 40 %. Exercice d’équilibriste : une dévaluation brutale, qu’Alfonso Prat-Gay vient d’écarter, accroîtrait l’inflation d’au moins 25 %.
La nouvelle équipe devra aussi trouver de l’argent. Le déficit budgétaire frôle les 6 % et les provinces sont encore plus désargentées que le pouvoir central. Le paradoxe, c’est que le pays n’est guère endetté : 45 % du PIB. Mais quatorze ans après son défaut record (100 milliards de dollars), elle n’a toujours pas accès aux marchés internationaux, hormis un swap de devises conclu avec la Chine en 2014. Et en l’espèce, la faute n’est pas due au gouvernement argentin : des fonds vautours américains bloquent le règlement définitif du défaut de 2001 alors que 93 % des créanciers l’ont accepté. Alfonso Prat-Gay a promis de s’envoler pour New York au plus vite pour trouver enfin une solution. Il faut redonner du crédit à l’Argentine.