Argentine : Cristina Kirchner face aux juges

Il pleuvait hier à Buenos Aires. Mais la pluie intense n’a pas empêché plus de 400.000 personnes pour une marche à l’appel des juges en hommage à Alberto Nisman, mort le 18 janvier, il y a un mois. Les parapluies avançaient lentement sur l’avenue de Mai qui va du Congrès au palais du gouvernement et donnaient un ton plus dramatique à cette marche silencieuse que certains journalistes argentins ont appelée « la marche des parapluies ».

Rappel des faits : alors qu’il devait révéler devant le Congrès, le lundi 19 janvier, les preuves qu’il disait tenir pour accuser la présidente Cristina Kirchner, le juge fédéral Alberto Nisman est retrouvé mort dimanche 18, dans sa baigoire, d’une balle dans la tête (dans la tempe droite, d’une balle de calibre 22, arme prêtée par un ami parce que, dira-t-il, le juge Nisman avait peu confiance dans les agents chargés de sa sécurité).

Le juge s’apprêtait à dénoncer offciellement le plan organisé par la Présidente, son ministre des Affaires étrangères, Héctor Timerman, et d’autres personnes, pour laisser en liberté les fonctionnaires iraniens suspectés dans l’attentat de 1994, à Buenos Aires, contre le centre juif AMIA (Association mutuelle israélite argentine) qui a tué 85 personnes et fait 300 blessés. À ce jour, les auteurs de l’attentat n’ont pas été appréhendés ni jugés.

Selon Alberto Nisman, un accord avait été conclu entre le gouvernement argentin et le gouvernement iranien pour innocenter les Iraniens et faire porter la responsabilité de l’attentat à un groupe de « fascistes locaux ». Nisman avait réuni des enregistrements d’écoutes téléphoniques, des photos, des liens entre les agents argentins et iraniens, soit 289 pages de dénonciations.
 
Or, le juge chargé du dossier depuis la mort de Nisman, Gerardo Pollicita, reprend les mêmes accusations et va les transmettre au juge Daniel Rafecas afin d’inculper la Présidente et les auteurs du plan destiné à couvrir les Iraniens et leur garantir l’impunité.
 
La marche d’hier a été un succès. La famille de Nisman s’est jointe au cortège qui a reçu le soutien international de juges venus du Chili et d’autres pays voisins. Les juges sont devenus les garants des institutions républicaines et d’une justice indépendante. « Non à l’impunité », « justice » et « vérité » étaient les mots qui revenaient le plus souvent des commentaires de la foule.
 
Cristina Kirchner avait déclaré le matin même, avant la marche, qu’elle resterait jusqu’au bout à la tête du pays, c’est-à-dire jusqu’au 25 octobre, date des prochaines élections présidentielles. Elle affirmait qu’elle ne céderait pas devant ses adversaires qui refusent ses « politiques populaires » et proclamait son amour de la patrie et de la souveraineté nationale.

La marche d’hier sera-t-elle le début de la fin du kirchnérisme ? Quelle influence aura-t-elle sur les prochaines élections ? Nous ne le savons pas. Les organisateurs eux-mêmes, les juges, avaient d’avance précisé que la signification principale de cette marche était de marquer les limites du pouvoir exécutif ; en cela, ils ont réussi.

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