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la tête de l'alliance Changeons (centre droit), le leader du PRO (Proposition républicaine), Mauricio Macri (56 ans), s'apprête à prendre aujourd'hui ses fonctions de nouveau président. Son élection, avec 51,34 % des voix, le 22 novembre dernier, marque la fin d'une décennie de gouvernance kirchnériste, progressiste, inspirée du péronisme (depuis 2003).
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Fils d'un richissime homme d'affaires italien, Mauricio Macri a repris un temps seulement l'entreprise familiale avant d'être élu président du club de football de Boca Juniors (de 1995 à 2008), tremplin vers la notoriété et son lancement en politique. En 2005, il est élu député de la capitale argentine, Buenos Aires, dont il devient maire à partir de 2007.
Un Parlement contre lui
Ni les critiques de sa gestion municipale sur le plan culturel, ni le prêt de sommes colossales à un ami entrepreneur dans la construction ayant emporté d'importants chantiers dans la capitale n'ont entamé sa popularité. Pas plus que sa mise en cause pénale dans une affaire d'écoutes, présumées illégales, concernant son beau-frère et un dirigeant de la communauté juive, par la police métropolitaine, sous son autorité à l'époque.
En campagne électorale dans les provinces de l'intérieur du pays, notamment celles du Nord, Macri a rattrapé son retard entre les deux tours de l'élection pour coiffer au poteau - deux points d'écart - le candidat de gauche (FPV, Front pour la victoire) et rallier les électeurs des riches provinces de Córdoba, Santa Fé et Mendoza. Le FPV aura toutefois la majorité absolue au Sénat et une majorité relative à la Chambre des députés.
« Pauvreté zéro »
Son programme affiché d'ouverture de l'économie aura séduit les gros producteurs céréaliers, à qui Macri promet la suppression des taxes de l'État sur leurs exportations. Au lendemain du premier mandat de Cristina Kirchner en 2008, cette taxation avait déclenché leur colère et une menace de blocage alimentaire du pays. En période de boom du soja, la mesure avait favorisé une redistribution en faveur des plus démunis, notamment par le financement d'allocations familiales (auparavant inexistantes), ainsi que par l'ouverture de droits aux retraités. Partisan de la « pauvreté zéro », Macri a promis le maintien de ces droits sociaux et semble en avoir convaincu une partie de la classe moyenne qui en bénéficie toujours, dans un pays où le taux de chômage a été ramené à 6,6 % (contre 22 % en 2001).
À peine élu, Mauricio Macri a annoncé la composition de son futur cabinet. Même si quatre ministères sont confiés au Parti radical (centre gauche) et celui des Sciences et Technologies au titulaire du précédent gouvernement, les nouveaux venus ont été façonnés par le monde de l'entreprise et de la finance. Interviewé par le quotidien « La Nación », le futur ministre de l'Économie, Alfonso Prat-Gay, a indiqué que les aides sociales reviendraient à « seulement une frange de bénéficiaires ». En matière économique, « l'unification du marché des changes sera le premier signal de normalisation de l'économie », a-t-il précisé. En effet, à la suite de la politique de contrôle des changes par l'État, s'est développé un marché parallèle autour du dollar.
Incertitudes monétaires
Dès le 26 octobre, l'annonce de Mauricio Macri d'unifier ces taux a fait présager une forte dévaluation du peso. Dans un pays rompu aux soubresauts monétaires, les réactions, notamment des gros producteurs, ne se sont pas fait attendre. Anticipant la dévaluation ces derniers jours, les commerçants ont gonflé les prix, tandis que nombre de producteurs de matières premières restaient dans le statu quo, attendant les mesures à venir pour facturer leurs produits. Autre volet de l'économie dans l'incertitude : les relations avec les institutions financières internationales telles que le FMI, et avec les fonds dits « vautours », contre lesquels le gouvernement précédent avait mené un bras de fer.
Enfin, la passation de pouvoir ne s'annonce pas des plus amènes. Une décision judiciaire venant d'intervenir pour fixer au 10 décembre, à minuit, la fin du mandat de Cristina Kirchner, la présidente sortante ne sera probablement pas présente à la cérémonie d'investiture. Attributs symboliques du pouvoir, l'écharpe et le bâton présidentiels seraient ainsi remis au nouveau mandataire par le président de la Cour suprême.
Claude Mary, à Buenos Aires