Le libéral Mauricio Macri met un terme jeudi à 12 ans de pouvoir de Nestor et Cristina Kirchner, qui laissent en héritage un processus inédit de jugements des crimes de la dictature et une politique économique anti-marchés.
Cristina Kirchner a succédé en 2007 à son mari à la présidence de l'Argentine et a été réélue en 2011. Lui est mort d'une crise cardiaque en 2010. Il avait dirigé le pays après la crise économique qui avait fortement affaibli ce pays de 41 millions d'habitants.
REDRESSEMENT APRES LA CRISE
Les Kirchner ont redressé la troisième économie d'Amérique latine et désendetté le pays. Si Nestor Kirchner, méconnu à l'époque, a été élu en 2003 c'est car ils n'étaient pas nombreux à vouloir présider un pays laminé par la crise.
Il rompt avec le FMI, jugeant les mesures conseillées par le Fonds au gouvernement de Carlos Menem (1989-1999) responsables de la dérive économique ayant conduit à la crise économique de 2001/2002.
Un affront pour le monde de la finance, les Kirchner imposent deux restructurations de la dette (2005, 2010) doublées d'un allègement du passif, qui sont approuvées par 93% des créanciers.
"Les Kirchner ont tiré parti de la crise du modèle néolibéral", relève le politologue de l'Université de Buenos Aires Julian Horvath.
L'agriculture a joué un rôle clé dans le processus de désendettement. Les ventes de soja et de céréales, dont l'Argentine est un des premiers exportateurs mondiaux, fortement taxées, font entrer des milliards de dollars dans les caisses de l'Etat, qui devance les échéances de remboursements.
Après 10 ans de forte croissance, l'économie argentine stagne depuis deux ans.
NATIONALISATIONS, PROTECTIONNISME, INFLATION
En 2012, la compagnie pétrolière argentine YPF est nationalisée, Buenos Aires reprochant à son actionnaire Repsol un manque d'investissement alors que la balance énergétique du pays passe en négatif, un comble pour un pays riche en ressources naturelles, inexploitées.
L'Etat a également repris le contrôle du système de retraites, de la compagnie aérienne Aerolineas Argentinas et diverses sociétés aux mains d'entreprises étrangères.
Mme Kirchner quitte le pouvoir avec une inflation qui oscille entre 20 et 35% depuis 8 ans. Une hausse des prix que ne reconnaît pas le gouvernement, qui truque depuis des années les statistiques officielles sur l'inflation, la croissance, etc...
Contrôle de l'accès aux devises étrangères, limitation des importations, barrière douanières, fiscalité élevée, émission monétaire creusant le déficit budgétaire: les Kirchner ont mis en oeuvre un arsenal de mesures protectionnistes, inacceptables ou incohérentes pour les milieux économiques.
Des mécanismes que Mauricio Macri a promis de démanteler.
LA DICTATURE
Le devoir de mémoire est fait. Alors que les responsables de crimes commis durant la dictature (1976-1983) coulaient une retraite paisible, Nestor Kirchner a abrogé les lois d'amnistie et des centaines de militaires et de policiers sont traduits devant la justice. Plus de 600 ont été condamnés.
L'ancien dictateur Jorge Videla est mort dans sa cellule en 2013. D'autres sont assignés à résidence.
Sur les centaines de bébés volés de la dictature, 119 ont été identifiés et ont pu renouer avec leur famille biologique.
Les Mères et les Grands-Mères de la Place de Mai continuent d'exiger la vérité concernant les milliers de disparus et demandent au Vatican l'ouverture des archives, pour contourner le mutisme des militaires.
ACCUSATIONS
Mme Kirchner est accusée par l'opposition de s'être enrichie personnellement et d'avoir permis à des chefs d'entreprise de son entourage de bâtir des fortunes.
Son vice-président, Amado Boudou, est soupçonné de corruption et visé par une enquête de judiciaire.
MARIAGE GAY
Le mariage gay a été légalisé. Les travestis ou transsexuels peuvent opter à l'état civil pour "le sexe ressenti". En revanche, dans le pays du pape François, l'avortement reste illégal.
FONDS "VAUTOURS"
Un tribunal américain a condamné l'Argentine à verser des milliards de dollars à des fonds "vautours" qui ont dit non aux restructurations de la dette argentine et les décotes consenties par l'essentiel des créanciers. Buenos Aires a refusé de se soumettre au jugement et de payer.
L'administration Macri compte parvenir à un règlement négocié de ce litige, qui empêche l'Argentine d'emprunter sur les marchés internationaux de capitaux.