ARGENTINE • Football : des supporters de plus en plus violents

La violence dans le football argentin existe depuis la nuit des temps, mais pour décrire la dynamique des événements récents [un supporteur est décédé le 10 juin lors d'un affrontement entre les barras bravas – supporters violents – et la police dans les abords d'un stade à La Plata], il
serait plus approprié de parler de massacre, de tragédie sanglante qui font
peu de cas de la vie humaine.

La victime peut être retrouvée un matin dans la
piscine du siège d'un club de football, comme au Racing ; dans la quincaillerie d'un stade, comme à Vélez ; sous une tribune, comme il y a près
d'un an après un coup de poignard fatal au Monumental [à Buenos Aires] ;
ou encore à proximité de la pelouse, touché par un tir de police, comme lors
des incidents du 10 juin à La Plata.

Il y a des matchs qui se jouent à huis clos,
d'autres qui n'accueillent pas les visiteurs, et certains qui sont suspendus au beau
milieu de la partie. Les
horaires des matchs doivent se plier aux convenances et aux nécessités politiques du gouvernement. Les irrégularités sont devenues la norme. Les barras s'affrontent entre eux et se disputent les restes du
butin que les dirigeants, les politiques et les forces de sécurité veulent bien
leur laisser.

Un sentiment d'impunité

Et le football argentin est désormais
truffé de bombes à retardement. Car si ce qui se passe en première division
fait la une des médias, ce n'est que la partie immergée de l'iceberg ;
comme en témoignent les exactions commises à l'encontre des équipes de Huracán et
Independiente Rivadavia de Mendoza.

Il y a un sentiment d'impunité et d'immobilisme des autorités. Il y a deux mois, l'Association des
footballeurs argentins a essayé d'alerter l'opinion publique en instaurant
la "minute des jambes perdues" [une minute de silence avant chaque match]. Une protestation symbolique en l'absence
de décision politique de la part du gouvernement et de la police pour éradiquer
ce fléau.

L'espace public occupé par le
football étant devenu un champ de bataille, c'est désormais à l'Etat
d'intervenir. En 2009, le gouvernement avait décidé d'ajouter le football à son
palmarès avec la mise en place du programme Football pour tous [les matchs sont désormais retransmis en direct sur la chaîne publique, gratuite]. Or, pratiquement au même moment, il avait
encouragé un projet qui n'allait guère débarrasser le football de ses scories. 

Culture mafieuse

La création officielle de l'Union des supporters argentins (un groupe composé
des barras de différentes équipes qui
s'était organisé avec un financement douteux pour se rendre au Mondial 2010 en
Afrique du Sud) a offert une légitimité à cette culture de la
délinquance, qui pourtant gangrène le football argentin. Si les plus hautes
instances de l'Etat tolèrent et soutiennent les barras, que peut-on attendre au niveau local ? La
Fédération argentine de football (AFA) fait un pas de côté et, en silence, elle se ressoude à
son principal associé et principal soutien financier, qui permet aux clubs de
ne rien changer à leurs pratiques et de continuer à s'endetter, sans que
personne n'y trouve à redire.

Quant à la présidente de la République, elle ne doit
pas verser dans la banalisation des barras en les assimilant simplement à "des
supporters qui se jettent sur les barrières" [c'est ainsi qu'elle les a qualifiés lors d'un discours]. Cristina Kirchner doit se rendre compte qu'elle fait référence à des gens de
culture mafieuse qui, en l'absence d'un plan destiné à les éradiquer, continuent à
tisser leur toile. C'est pourtant ce qu'elle a choisi de faire le jour de la
présentation du Sabed – un système d'enregistrement des empreintes digitales, qui
a planté dès sa mise en place. Aujourd'hui, on nous annonce en fanfare la mise
en place du carnet AFA Plus, autre gadget électronique censé résoudre ce genre de drame
qui n'a pourtant rien de virtuel.

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