"Je suis convaincue que ce n'était pas un suicide", a écrit Mme Kirchner dans une lettre publiée sur Facebook
La présidente argentine Cristina Kirchner a affirmé jeudi ne pas croire à la thèse du suicide après le décès brutal du procureur Alberto Nisman, revenant sur ses premières déclarations et assurant qu'il s'agissait d'"une opération contre le gouvernement".
"Le suicide (j'en suis convaincue) n'était pas un suicide", a-t-elle écrit dans une lettre publiée sur son compte Facebook, à propos de la mort du procureur, qui venait de l'accuser, ainsi que son ministre des Affaires étrangères Hector Timerman, d'avoir entravé l'enquête sur l'attentat contre la mutuelle juive AMIA en 1994.
Alberto Nisman avait demandé le 14 janvier à un juge l'ouverture d'une enquête contre la présidente argentine Cristina Kirchner et son ministre des Affaires étrangères, Hector Timerman, pour entrave à l'enquête sur cet attentat, qui a causé la mort de 85 personnes, et devait s'en expliquer lundi devant le Congrès. Il soupçonnait le gouvernement d'avoir ménagé l'Iran, pour préserver des contrats commerciaux.
Les organisations juives AMIA et DAIA ont appelé à un rassemblement baptisé "Vérité et justice", mercredi à 18H30 (21H30 GMT), sur les lieux de l'attentat qui avait fait également 300 blessés le 18 juillet 1994.
Un éventuel meurtrier aurait-il pu s'enfuir du luxueux appartement où le magistrat a été retrouvé mort? Le serrurier, qui a permis aux policiers de pénétrer dans l'appartement, a révélé mercredi que la porte de service n'était pas verrouillée de l'intérieur.
La révélation de l'existence d'une troisième porte donnant sur l'extérieur, un local où se trouvent des climatiseurs, un réduit également accessible depuis l'appartement voisin appartenant à un Iranien, a ajouté à la confusion.
S'est-il suicidé, a-t-il été contraint au suicide ou assassiné? Les avis divergent.
L'autopsie a exclu toute participation d'un tiers, mais aucun résidu de poudre n'a été retrouvé sur les doigts de sa main droite, avec laquelle il se serait tiré une balle dans la tête, selon la magistrate saisie de l'enquête sur la mort du procureur, Viviana Fein.
Or, un tir d'arme à feu entraîne un dépôt de minuscules particules de poudre sur la main qui tient l'arme.
Je ne crois pas au suicide
L'ex-épouse de M. Nisman, la juge Sandra Arroyo Salgado, a du mal à comprendre ce geste alors qu'il avait interrompu ses vacances en Espagne et averti ses amis qu'il allait porter de lourdes accusations contre le gouvernement. Elle s'est constituée partie civile.
"Je ne crois pas que ce soit un suicide", a-t-elle déclaré avant son audition par la police.
La ligne de fracture habituelle séparant les Argentins entre pro et anti-Kirchner s'applique au cas Nisman.
"Depuis que j'ai appris la nouvelle, je me refuse à croire à un suicide volontaire", affirme Pablo Lanusse, ancien ministre de la Justice. "La mort de Nisman, estime-t-il, éclabousse de son sang la République, la démocratie et le gouvernement".
La présidente Cristina Kirchner a été la première responsable à évoquer un "suicide", tout en défendant le travail accompli pendant le mandat de son défunt mari Nestor Kirchner (2003-2007) et le sien (depuis 2007) dans l'enquête sur l'attentat de l'AMIA.
Dans les faits, l'enquête n'a pas semblé progresser, ni dans les années 1990, ni dans les années 2000.
Mardi, la Cour suprême a décidé de rendre publique l'accusation écrite de M. Nisman et ordonné la mise en ligne du dossier de 300 pages sur un portail d'information du ministère de la Justice.
Dans cet écrit, M. Nisman assure que Mme Kirchner "a émis une directive" afin de mettre sur pied un "plan" pour garantir une impunité aux Iraniens dont la justice argentine réclame l'extradition.
L'ancien juge de la Cour suprême Eugenio Zaffaroni riposte en disant que ce ne serait "pas la première fois que quelqu'un reçoit de fausses informations et les croit".
Le Front pour la victoire, coalition de centre-gauche au pouvoir, estime que M. Nisman a pu mettre fin à ses jours sur l'ordre "d'un secteur mafieux" des services de renseignement, dont le patron a été démis de ses fonctions en décembre.
Pour le secrétaire à la Sécurité Sergio Berni, "la procureure (Viviana Fein) se doit d'avoir recours dans cette enquête à toutes les ressources afin d'explorer toutes les hypothèses : suicide, suicide provoqué ou homicide".