À Châteauroux joue un certain Émilio… Omam-Biyik – Ouest

L'histoire

Bien sûr, il y a François, l'élégant attaquant camerounais que l'Argentine n'avait pu dompter un soir de juin 1990 à San Siro en ouverture de la 14e coupe du monde, cette tête piquée magique qui avait secoué un Maradona alors Napolitain et conspué toute la soirée par le public milanais. L'Argentine, humiliée par ce qui fut l'une des plus grandes surprises de l'histoire du Mondial, avait tout de même fini par se hisser en finale (le Cameroun en quart), mais avait perdu contre l'Allemagne (1-0).

Bien sûr, il y a François, ses 37 buts en 81 matches sous le maillot lavallois, entre 1987 et 1990. Michel Le Milinaire avait repéré l'avant-centre au tournoi de Toulon, en 1985. « François ? De la classe. Bon jeu de tête, sens tactique, un tout bon », disait-il. Il part ensuite à Rennes, puis Cannes, Marseille, Lens, le Mexique, Gênes, Châteauroux de 1999 à 2000, dispute quatre Coupe d'Afrique des nations (une victoire en 1988), trois coupes du monde (75 sélections).

Il se pose dans le Berry, devient entraîneur du FCL Saint-Christophe Châteauroux (District), et des U13, puis de l'EGC Touvent Châteauroux. En 2010, il rejoint l'équipe nationale camerounaise comme entraîneur adjoint. « Il est actuellement coach de l'US Bitam, au Gabon », dit Émilio, l'un de ses trois fils.

Car dans tout cela, il y a Émilio. Émilio est né à Mexico, en mars 1995. Il possède la triple nationalité, française, mexicaine, camerounaise, vit en France depuis ses quatre ans. « De Mexico j'ai atterri à Châteauroux. Je vous laisse imaginer le grand écart... Je ne parlais qu'espagnol. J'y suis retourné deux fois, notamment pour le jubilé de mon père. » Émilio a fait son bonhomme de chemin : « J'ai essayé le basket parce que j'ai toujours été plus grand que les autres (il mesure 1,90 m, NDLR). Mais je n'étais pas habile de mes mains. Alors je me suis inscrit à la Berri dès que j'ai pu. »

Le papa va et vient. « Jusqu'à mes dix ans, il était avec nous. Et puis il est parti au gré des propositions. Coach, ça lui plaît. Ma mère s'est occupée alors de tout, a tout porté sur ses épaules. » Émilio avoue s'être longtemps cherché. « Des débutants jusqu'à mes 15 ans, je jouais devant le but. Et puis, juste avant d'intégrer le centre de formation, au pôle espoir, les éducateurs m'ont fait comprendre poliment que je serais meilleur au milieu du terrain ou défenseur central. Ça m'a plu, sans plus, mais on ne discute pas. »

Chemin faisant, lui qui a pris goût aux duels, a fini par intégrer le groupe pro, en juin dernier. « Ça a été un choc parce que je sortais d'une saison de merde... Et puis je me suis dit que ça ne pouvait que me faire progresser. » François lui prodigue quelques conseils. « Il me suit, sans en rajouter. Il me conseille mais ne me dirige pas. Il considère, et il a raison, que je dois me débrouiller seul, faire mon chemin. »

« Oui, c'est très dur de s'appeler Omam-Biyik »

Émilio s'est blessé gravement au genou en juillet, à l'entraînement. Il est toujours en rééducation. « Ça va. L'absence de mon père, même s'il est venu me voir, m'a presque aidé. Je m'explique : ma mère et mes grands-parents, qui vivent ici, étaient tellement démoralisés que je suis dans l'obligation de faire face. » Il parle de ses deux frères. L'aîné, qui a joué deux ans au Milan Ac, n'a pas percé. « Il travaille dans un hôtel à Paris, me met en garde, ne veut pas que je dérape. » Le plus jeune, lui, est son moteur : « Il souffre d'une maladie, la Drépanocytose, ne peut pas faire de sport. Il est pourtant plus mordu de foot que moi. Je pense à lui tout le temps. »

Une confidence entre deux séances de kiné : « Oui c'est très, très dur de s'appeler Omam-Biyik. Mon père a fait une grande carrière. J'ai vu ses vidéos. Je suis fier, heureux pour lui. Mais voilà, je ne pourrai jamais l'égaler. Moi, je veux juste faire ma carrière. » Il ne sera pas à Gaston-Petit ce soir. Il a rendez-vous avec son chirurgien.

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