19/12/12 11:43 Rugby: la naissance d’une équipe et la renaissance …

par Jean-Paul Couret

PARIS (Reuters) - Malgré le professionnalisme, le rugby français reste friand de légendes et de contes de fée et il retiendra sans doute de 2012 la naissance d'une équipe et la renaissance d'un homme.

La naissance a eu lieu dans le stade Jose Fierro de San Miguel de Tucuman, ville d'Argentine perdue à 1.086 km de Buenos Aires, mais on a les Bethleem qu'on peut.

C'était un 23 juin, deux jours après le solstice d'hiver dans le sud. Le nouveau-né était habillé de bleu et il a reçu des gauchos une victoire 49-10 et 15 dépouilles de Pumas.

L'affaire s'est déroulée dans l'ignorance des Français pour cause d'indifférence des chaînes de télévision et son importance n'est apparue que quatre mois plus tard, lorsque le sélectionneur Philipe Saint-André a annoncé que les hommes de Tucuman seraient les fers de lance de novembre.

Le nouveau patron des Bleus n'avait pas fait preuve de la même constance ni de la même audace jusque-là. Il avait joué son premier Tournoi des VI Nations avec 29 joueurs dont bon nombre de mondialistes.

La campagne s'est soldée par une quatrième place peu flatteuse pour des vice-champions du monde.

La France n'a battu que les deux plus faibles, Italie (30-12) et Ecosse (23-17). Elle a fait match nul avec l'Irlande au Stade de France (17-17), y a perdu face à l'Angleterre (24-22) et s'est inclinée à Cardiff (16-9).

Au printemps, la Coupe d'Europe a mal tourné pour les clubs français. Toulouse a été éliminé en quarts par Edimbourg (19-14), Clermont en demi-finale par le Leinster (19-15). La finale s'est finalement jouée entre Irlandais et a été gagnée par le Leinster contre l'Ulster (42-14).

RENAISSANCE DE MICHALAK

Parallèlement, le Top 14 a livré trois matches âpres et sans essai en fin de saison. En demi-finale d'abord avec Toulouse-Castres (24-15) et Toulon-Clermont (15-12), puis en finale où Toulouse l'a emporté sur Toulon (18-12).

La France du rugby était lasse lorsque Philippe Saint-André a embarqué son corps expéditionnaire pour l'Argentine sans, notamment, le capitaine Thierry Dusautoir autorisé à se reposer.

Le voyage a mal débuté avec un test perdu 23-20 à Cordoba. Tout a changé huit jours plus tard, à commencer par la charnière Morgan Parra-François Trinh-Duc remplacée par Maxime Machenaud-Frédéric Michalak. Et la victoire a succédé à la défaite.

Rendez-vous a été pris, plus ou moins secrètement. Le sélectionneur l'a tenu le moment venu, quatre mois plus tard. Il a reconduit 20 des joueurs de juin dans son groupe de 35 pour novembre qui comptait 15 joueurs de 25 ans ou moins, huit néophytes complets et seulement dix vice-champions du monde.

Tout est allé très vite. Victoires 33-6 sur l'Australie, 39-22 sur l'Argentine, 24-14 sur les Samoa, premier chelem de novembre depuis 2005, le tout avec seulement 24 joueurs qui ont "su prendre le train" comme a dit Saint-André.

De là à en conclure qu'ils formeront le XV de France de la Coupe du monde 2015, ce serait oublier trop vite les pièges des terrains. Mais au sein des 24, un homme a vécu sa renaissance à Saint-Denis.

Frédéric Michalak préfère parfois parler de "retour aux sources" de sa splendeur lorsqu'il avait 21 ans et qu'il avait disputé le titre de meilleur buteur et de meilleur ouvreur de la Coupe du monde 2003 à Jonny Wilkinson jusqu'en demi-finale.

TOULON EN EMBUSCADE

Victime de graves blessures à répétition, physiques et morales, l'enfant prodigue du rugby français a connu ensuite les disgrâces et deux exils en Afrique du Sud.

Le sort a tourné en juin dernier avec l'appel de Philippe Saint-André pour l'Argentine, un premier match vécu et perdu du bord de la touche, un second gagné avec 80 minutes sur le terrain et 24 points au tableau d'affichage.

Quelques matches de Top 14 plus tard, la reconduction pour le premier test de novembre contre l'Australie était une évidence. Michalak a séduit comme joueur et buteur. Il a récidivé contre l'Argentine puis contre les Samoa.

Il sort de la tournée en ayant marqué de toutes les façons possibles, essais, transformations, pénalités, drops et avec, selon le staff du XV de France, un 92% de réussite au pied.

Comment expliquer ce changement à 30 ans et une soixantaine de sélections ? "Nouveau staff, nouvelle aventure", dit-il.

Par le travail fait en Afrique du Sud sur son jeu et sa personnalité, disent d'autres, la maturité d'un mariage et d'un premier enfant, un bain de jouvence à Toulon, son nouveau club.

2012 s'achève. Les réponses viendront peut-être de 2013.

La force dominante des mois à venir est déjà connue avec l'appareillage dans une rade de Méditerranée d'une armada de forbans de la mondialisation aux cheveux coupés en crête qui veulent terroriser la France et l'Europe sous l'étendard rouge et noir de Toulon.

Edité par Chrystel Boulet-Euchin

(c) Copyright Thomson Reuters 2012. Check for restrictions at: http://about.reuters.com/fulllegal.asp

Leave a Reply